Idées

Lettre d’un émigré –La Constitution ne se réforme pas !

« Il faut tout de suite préciser quelque chose. La Constitution se découvre. Et donc, on ne peut pas la construire. Tous les débats sur les dites réformes de la loi fondamentale qui oublient ce point essentiel sont dangereux [et couvent le risque révolutionnaire]. La tradition japonaise contient une « charte fondamentale invisible ». Cette « charte invisible » est ce qui s’appelle Constitution [du royaume]. La rédaction ou la modification de la loi fondamentale n’est que le travail partiel et placé sous des conditions historiques particulières de mettre par écrit, lorsque cela est absolument nécessaire, et forcément de façon limitée, la Constitution, [qui existe par ailleurs et reste invisible].»[1]

Notre monde révolutionnaire, qui paraît intelligent derrière son masque rationaliste, est au fond bien stupide et grossier. Son art consiste dans l’obscurcissement de ce qui est clair, dans le grand remplacement des sens, dans l’invention de vides sémantiques, emplis par le brouhaha des pépiements volatiles et évanescents des ombres d’hommes à la poursuite vaine de leur propre démesure. Prendre des mots, et détruire leur sens étymologique pour le remplacer par un autre sens, en inventer d’autres et manipuler tactiquement le sens véritable pour attirer l’adversaire – inventé voire fantasmé – sur le terrain révolutionnaire où il s’embourbe, où il coule, et, s’il n’est pas exterminé, se recouvre de la même boue puante révolutionnaire que ceux qui l’ont attiré en lui faisant croire que cette boue fétide était un miel apaisant et soulageant. Dommage. Heureusement que toute boue peut être récurée d’une part, et que tout nouveau-né n’est pas encore embourbé d’autre part, et donc qu’on peut leur éviter cette malédiction suscitée et volontaire.

Il faut bien commencer la purification sémantique quelque part, et tant qu’à faire autant commencer par le plus difficile : remettons donc la Constitution à sa place. Notre monde moderne ne connaît plus en réalité de « constitution » ; quand il dit « constitution », il ne désigne en réalité que la « loi fondamentale écrite décrivant les institutions », tout en ajoutant néanmoins perversement l’idée que cette loi fondamentale écrite, somme toute partielle et limitée, est en réalité toute puissante à constituer un pays, idée absurde et fondement révolutionnaire de 1789 : ces naïfs coupables ou ces pervers faussement naïfs, c’est selon, ont voulu faire croire, et en tout cas ils y croyaient, qu’il suffisait décrire n’importe quoi, dans la « loi fondamentale » devenue constitution pour qu’elle prenne réalité. Seuls les massacres et la violence tentèrent de faire rentrer la réalité profonde qui ne change pas dans le schéma réducteur des fous – quel que soit d’ailleurs la teneur du contenu écrit, on pourrait écrire que le « roi est sacré », même si c’est vrai, si du moins on croit le rendre vrai en l’écrivant, la logique mortifère est là, et ce n’est qu’une question de temps pour qu’un révolutionnaire arrive pour changer à sa convenance l’illusion de réalité qui violente ensuite la réalité  – et des gens en définitive.

Il faut donc changer radicalement de conception : la constitution se découvre. C’est une réalité préexistante, qui ne se change pas d’un coup de plume, qui contient notre passé, nos ancêtres, nos terres, notre religion et notre avenir. La loi fondamentale peut être écrite, si besoin, mais elle n’épuise jamais la Constitution, ineffable en majeure partie par essence. Le besoin d’écriture est peut-être en soi un signe d’affaiblissement de la Constitution, dont il faut rappeler la teneur.

En France, nous sommes plus mal lotis qu’au Japon, puisque l’écriture de la loi fondamentale s’est faite dès le départ contre la constitution du Royaume, dans la volonté affichée d’inventer une réalité idéaliste, de dresser un schéma, de composer une sorte de « logiciel » pour diverses raisons et intérêts privés, diverses haines et perversions, dans l’ignorance du bien et du mal, et dans la négation du mal, en croyant l’éradiquer : le nouvel idéal est d’appliquer ce schème à toute la population, et à la rendre de bons robots, tous égaux, tous individus donc, mais non plus des personnes, au cerveau bien lavé, qui agissent selon le schéma sorti de cerveaux tordus, au prix de toutes les violences et toutes les morts qu’il faut. Il suffirait pourtant de revenir aux fondamentaux, et chercher l’édification de chacun, pour que tout un chacun avance dans le bon chemin, le chemin vers Dieu, celui de l’honnête homme. La révolution croit rendre la société meilleure en imposant un modèle de société, or la tradition sait que la bonne société n’existe que dans l’édification de bons hommes, dont la dynamique permet de cultiver l’harmonie dans toute la société par l’exemple et l’exhortation mais jamais par l’impératif et la force.

Cette distinction entre « constitution » et « loi fondamentale » simplifie formidablement la question constitutionnelle et le jugement : une bonne loi fondamentale est celle qui épouse au plus près la constitution, la mauvaise, celle qui s’en éloigne voire la contredit – vous aurez donc compris que cela fait longtemps que nous n’avons que de très mauvaises lois fondamentales, et donc de très mauvais régimes, puisqu’en opposition frontale avec notre constitution royale.

Elle permet d’apaiser les esprits : il ne s’agit pas de faire l’impossible, de se prendre pour Dieu en créant un État, mais simplement de découvrir notre Constitution éternelle, à en prendre conscience, à la cultiver et à la restaurer – bien plus intégrale que « l’identité » qui n’est qu’un placebo de Constitution, celle-ci étant active, fixe et divine.

La Constitution existe donc, tout simplement là, qui se donne à découvrir ; et il n’existe presque plus aujourd’hui de discussions sur ce qu’elle est : aucune dans l’espace public, totalement polarisé sur les « réformes constitutionnelles » qui ne voient que changement et démesure créative, outrancière, « hubrystique ». Notre Constitution est certes très affaiblie, exsangue, peut-être en danger de disparition, mais tant que le Roi et sa famille sont là, la France existe, heureusement, car nous avons une Constitution solide grâce à des lois fondamentales puissantes. À nous d’en prendre conscience ! À nous de redécouvrir la constitution pour mieux incarner la vocation de sujets que nous sommes !

Pour Dieu, Pour le Roi, Pour la France,

Paul de Beaulias



[1]Masaru SATÔ, L’essence de la nation nipponne (日本国家の神髄), Fusôsha, Tôkyô, 2015, p.27

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