Tribunes

Pour une vraie réforme institutionnelle

Puisque la république adore les réformes et que l’adoption d’une constitution monarchique ne ferait pas, dit-on – nous y reviendrons – partie des préoccupations actuelles des Français, voici une suggestion à l’intention des princes qui nous gouvernent et protestent de leur bonne volonté pour moderniser la vie publique.

Nous avons vu dernièrement* la nocivité de l’interdiction « sèche » du cumul des mandats si cette réforme n’est accompagnée d’aucune autre. Or elle pourrait contribuer à rationaliser la vie publique et prendrait tout son sens à la condition de s’insérer dans un ensemble dont les principales dispositions viseraient à réduire la masse graisseuse qui entoure et fatigue le cœur de la nation.

En premier lieu, diminuer le nombre de parlementaires. Ils sont 535 au Congrès des États-Unis, soit un pour 600 000 habitants, contre un pour 70 000 en France ! Si l’on appliquait chez nous la proportion américaine, la somme des députés et des sénateurs serait de 110. Certes, une stricte proportionnalité n’aurait  guère de sens. Mais il est évident qu’une Assemblée nationale ramenée, par exemple, à 300 membres, contre 577 actuellement, et un Sénat à 150, contre 348 actuellement, assureraient, outre des économies substantielles, un bien meilleur fonctionnement de ces institutions, dégraissées et, grâce cette fois à une interdiction des cumuls bien comprise,  ramenées à leurs tâches essentielles : le vote des lois et le contrôle du gouvernement.

En deuxième lieu, fusionner le Sénat et le Conseil économique, social et environnemental, lequel compte aujourd’hui 233 membres. Cette réforme, déjà proposée en avril 1969 par le général de Gaulle, avait été rejetée par les Français, non pour des raisons de fond, mais du fait d’un contexte politique défavorable au général et à son gouvernement. La reprendre aujourd’hui permettrait, outre des économies de fonctionnement de l’État, d’instaurer une véritable démocratie économique et sociale, libérée du conservatisme étriqué des syndicats, comme de donner une pleine justification à l’existence d’une deuxième Chambre.

En troisième lieu, supprimer un échelon d’administration territoriale. Nous en comptons aujourd’hui six (commune, intercommunalité, département, région, État et Union européenne) avec tout ce qu’il en découle de compétences partagées ou concurrentes, de financements croisés et d’incessantes élections, chacune remettant plus ou moins en cause les résultats de la précédente. Afin d’éviter de rendre encore plus complexe un système déjà malaisément lisible, la formule la plus simple consisterait à abolir l’institution départementale et de transférer une partie de ses compétences à l’intercommunalité, l’autre à la région.

En quatrième et dernier lieu, limiter le nombre de membres du gouvernement et augmenter, en revanche, celui des conseils des ministres.

La plupart des grandes démocraties modernes fonctionnent avec des gouvernements restreints (14 ministres en Allemagne, 14 également en Espagne, 15 aux États-Unis, 22 au Royaume-Uni, 23 en Italie). En France, la pléthore des portefeuilles (38 dans l’actuel cabinet Ayrault mais on a vu pire) pousse, d’une part au gaspillage des deniers publics, d’autre part aux rivalités de personnes, enfin à la cacophonie de l’action collective. Qui peut douter qu’un gouvernement d’une quinzaine de membres ne soit plus efficace que ces cabinets qui en comptent une quarantaine, dont certains éprouvent même du mal à s’exprimer en bon français.

Sous Louis XVIII et sous Charles X, c’est-à-dire au cours de l’une des périodes les plus fastes de notre Histoire, et là encore contrairement à bien des idées reçues, se tenaient trois conseils des ministres par semaine, ce qui garantissait un travail vraiment collégial et une parfaite coordination interministérielle : les meilleures formules sont parfois à trouver dans le passé, il ne faut pas en avoir peur.

Voilà qui constituerait un ensemble de réformes utiles, et où la limitation du cumul des mandats aurait enfin une signification. On conjuguerait ainsi économies budgétaires et amélioration de l’action publique. Mais pour cela, il faut du courage et une vision à long terme de l’intérêt général, soit exactement ce qui manque depuis toujours à la république. Rien n’interdit cependant d’essayer de l’éclairer.

Henri de Villehardin

* « Non, il ne faut pas interdir le cumul des mandats » Vexilla Galliae le 22 janvier 2014 :  https://www.vexilla-galliae.fr/actualites/politique/660-non-il-ne-faut-pas-interdire-le-cumul-des-mandats

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