Tribunes

[Point de vue] De la démocratie en France

 

Rassurez-vous ! L’auteur, votre obligé, n’a pas l’intention de paraphraser Tocqueville, que l’on reprend volontiers de tous côtés. Et puis l’Amérique n’est pas la France, loin s’en faut. Ils ont parqué les Indiens dans des réserves, et pour le moment nous trouvons encore chez nous quelques Gaulois en liberté. Quant au nouveau président, notre vieille terre aurait été bien incapable de générer un homme de cet acabit, en mesure de financer, sur ses propres deniers, une campagne présidentielle. De Gaulle ne disait-il pas : « En France, il faut être l’État pour entreprendre de grandes choses. »

Cependant, malgré toutes nos différences, le jeune peuple de pionniers et le vieux peuple de cultivateurs semblent ressentir les choses de manière assez proche, à propos des suggestions de leurs  dirigeants qui voudraient leur dicter les règles du bonheur.

Mais rien n’y fait. Malgré le résultat et les chiffres, les bien-pensants persistent et signent. En France, monsieur le Premier ministre, devant l’Assemblée, disait, peu après les résultats de l’élection américaine : « Je crois, bien sûr, au triomphe de l’intelligence des peuples, il faut toujours respecter leur choix, mais il faut les éclairer, leur indiquer une voie… » 

Nous savons de quel éclairage il s’agit. Non pas de cette lumière universelle qui nous a été donnée il y a plus de 2000 ans, mais d’une autre lumière que l’on présente à quelques individus dans des cénacles obscurs. Toutefois, nonobstant les dérives « populistes », qui inquiètent bien les tenants de la « démocratie » à travers le monde, tout le lobby politico-médiatique se réjouit de la vitalité démocratique. Pensez donc, c’est que la « démocratie » le fait vivre, et même très bien vivre. Jean-François Kahn disait il y a quelque temps qu’il ne pourrait se résoudre à vivre éloigné de l’arène médiatique pour se consacrer à la poésie ou à la philosophie. On peut le comprendre, toutefois on peut aussi penser que si cette faune nombreuse, bien nourrie, et même assez vorace, se consacrait à ces disciplines littéraires ; eh bien, son mode de vie alors, plus ou moins ascétique, permettrait aux Français de vivre davantage en paix et moins harcelés par des médias aliénants tout autant que par l’impôt.

 Donc, la « démocratie » se sent bien comme ça et n’a pas l’intention de s’en laisser conter.     Evidemment, on entend ça et là quelques voix discordantes. Le chanteur Francis Lalanne, par exemple, dit volontiers sur les plateaux de télévision, que la démocratie serait autre chose que d’élire tous les cinq ans un nouveau maître, qui mènera à peu de chose près la même politique que son prédécesseur ; encore un artiste, un doux rêveur…

De temps à autre, un autre empêcheur de tourner en rond parle de déni de « démocratie », notamment au sujet du référendum pour la ratification du projet de Constitution européenne. Nous nous souvenons comment les parlementaires des grands partis de droite et de gauche se sont assis, et c’est peu dire, sur l’opinion de 55 % des votants. Mais devant le bombardement médiatique continu, garant de la liberté de l’information, entre les attentats, les mises en examen, les grèves, et les difficultés du quotidien ;  le Français « ordinaire » oublie en fin de compte assez rapidement, et cela, finalement, pour le plus grand bien de la « démocratie ».

Sans compter, qu’on parle de « démocratie » participative. Existe-t-elle ou pourrait-elle exister ? Est-ce à dire que notre « démocratie » n’en serait pas vraiment une ? À moins que cela soit un « truc » nouveau, venu des États-Unis comme la théorie du genre, mais j’avoue ne pas avoir vérifié. Cependant « au feeling » comme ça, j’ai une petite idée de ce à quoi ça pourrait ressembler. Partout dans les quartiers, dans les campagnes, sur les places publiques, les gens seraient constamment en discussion ; après tout quand on a rien à faire, pourquoi pas ? Et puis ils rentreraient chez eux épuisés de parlotte et nourris de « démocratie ». Dans les assemblées, il se passerait ce qui se passe déjà actuellement avec peut-être des amplifications. Discussions éternelles, amendements en nombre, vote des textes par les partis de gouvernement avec usage éventuel de l’article 49.3. Brièvement résumé, nous avons bien discuté, nous avons assez discuté, il y a eu « démocratie », vous ferez une autre loi à votre pied quand vous serez majoritaires à l’Assemblée. Faire et défaire et refaire, c’est la « démocratie », il ne faut pas s’en faire.

Sans compter que les évolutions techniques, Internet, les réseaux sociaux, pourraient constituer une évolution significative vers la « démocratie » participative. Imaginons une application Face Book, financée par l’État et les collectivités, où chacun pourrait à chaque instant décider de choisir son président, son député, son maire. Il faudrait pour cela un système de rétro-commissions, afin que l’ensemble de la classe politique puisse toujours bien vivre. À méditer n’est ce pas ?

 À mettre au rang de toujours plus de participation démocratique, il y a les primaires à l’élection présidentielle. En France par exemple, les primaires des Républicains auraient été un succès ?

Que dire de cette démonstration de politique politicienne ?

Au risque de me faire passer pour un commerçant poujadiste d’une autre époque, je m’interroge : mais où vont-ils chercher l’argent, tous ces candidats, pour mener grand train à parcourir la France dans de multiples réunions publiques avec toute l’intendance onéreuse que cela suppose ?

On me qualifiera de rabat-joie, on me dira que la démocratie a un prix !

Quant à ces électeurs qui se sont déplacé, est-ce bien là le peuple français ? Je n’en suis pas convaincu.

Pour ce qui concerne les programmes des différents candidats, fin des 35 heures par exemple; ceux-ci feignent-ils de ne pas savoir ou ne savent-ils pas qu’ils n’ont jamais existé, pour le plus grand nombre, que dans l’esprit bien intentionné sûrement de ceux qui ont voté ce texte ?

En France, la masse des travailleurs se trouvent dans les PME, les PMI, chez les artisans également. La plupart de ces gens, du simple manœuvre au PDG travaillent et ont toujours travaillé bien plus de 35 heures. Le plus souvent, les heures supplémentaires des ouvriers ne sont pas rémunérées ; au mieux elles sont récupérables, parfois, dans les périodes de basse activité, surtout en hiver. Sans compter que le premier gouvernement socialiste, à peine aux commandes, s’est empressé de les rendre de nouveau imposables.

Dans ces structures les syndicats ne sont pas représentés. Quand un gouvernement signe des accords avec les syndicats, il les signe, et les deux parties en sont ravies, avec les représentants des salariés « riches » et sécurisés, fonction publique, grosses entreprises.

Le salarié des PME n’existe pas aux yeux de tous ces militants respectables. Il en va de même pour la représentation des entreprises, où la Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises, quoi qu’en disent certains hommes politiques, n’intéresse personne là-haut. 

Que dire de la retraite à 62 ou 65 ans ? Si à l’époque de Giscard d’Estaing il arrivait encore que l’on travaillât jusqu’à 65 ans dans les secteurs productifs et notamment dans l’industrie, il y a des années que l’on sort tant bien que mal les salariés âgés, et ce bien avant 60 ans.

Oui, notre société semble évoluer vers une acceptation du mensonge en politique, comme dans bien des domaines, peut-être parce que de la sorte la réalité apparaît ainsi moins rude. J’ai donc décidé de me rendre à l’évidence et de me rendre à la « démocratie » par la même occasion ; cette dernière, en pratiquant de la sorte le déni de réalité, aura qu’on le veuille ou non encore de belles heures devant elle. Alors demain, je choisirai un élu particulièrement démocratique et lui proposerai de mettre ma plume à son service. Une personne pondérée et assurée qui tient son pantalon avec une ceinture, des bretelles et deux chambres à air de vélo installées en diagonale et en croix des épaules à l’aine. Un homme aimable et charitable, à la fois catholique et qui donne volontiers au Secours catholique, au Secours populaire, aux Restos du Cœur mais aussi à Emmaüs. 

Ou alors j’irai plutôt vers un jeune dynamique et novateur, qui a de bons projets pour la France, comme de permettre à chaque Français de s’acheter un costume, non pas d’ailleurs que pour les grandes occasions, mais pour aller au travail ou à Pôle emploi… vous me suivez… quelqu’un de créatif…

Enfin, je serai chargé de mission, attaché parlementaire, conseiller régional après demain peut-être, je porterai un costume du soir au matin et je serai heureux et démocrate.

 

Jean de Baulhoo

 

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