Editoriaux

Municipales. Voyons plus loin. Voyons la France.

Chers amis,

Non, je ne vous parlerai pas des élections municipales. Non, je ne commenterai pas les résultats généraux des partis, ni même les résultats de telle ou telle liste isolée. Je n’en ai pas la compétence. Aucun analyste national n’en a la compétence. Les élections de dimanche dernier constituaient une série de 36 000 scrutins, où se sont joués 36 000 enjeux locaux différents. Chaque électeur s’étant déplacé aux urnes a voté pour l’avenir de sa ville, de son bourg, de son village. Il a posé un choix libre pour de meilleures écoles primaires, un meilleur tri des déchets domestiques, de meilleures bibliothèques municipales, des chemins vicinaux mieux balisés, des éclairages publics ou des rues commerçantes rénovés, la remise aux normes d’un complexe sportif ou la réévaluation du projet économique de la ville, que ce soit pour la chambre de commerce et d’industrie ou pour la pépinière d’entreprises. Ces choix ne connaissent pas de partis politiques, ils sont essentiellement locaux, leur liste est aussi longue que le nombre de communes.

A ces soucis géographiquement marqués il faudrait ajouter le double enjeu, tout d’abord de la complexité des relations intercommunales, qui  n’est pas affaire de partis, quoiqu’ils s’en mêlent trop souvent, mais bien de personnes, connues de leurs administrés et choisis par eux suivant des critères humains ; et en second lieu l’enjeu des élections sénatoriales, dont les maires sont électeurs. Ici, cependant, le national rejoint le local, et j’invite tout de même lesélecteurs à voter pour leur maire en conservant en tête le genre de sénateur qu’il pourrait soutenir en septembre prochain, car de cela dépendent nos lois.

Hors cela, je n’ai pas d’avis à donner sur telle ou telle municipalité. Quelques-uns de mes amis ont été élus dès le premier tour, je les félicite et leur dis ma joie pour eux.

Du reste, chers amis, je me désintéresse des commentaires oiseux de tel ou tel grand condor de la politique, et je vous invite à faire de même. Dans ce scrutin, seul compte l’avenir de votre commune.

A ce titre, j’attire votre attention sur un enjeu économique national, le seul dont je suis donc habilité à parler, puisqu’il nous concerne tous, et en même temps l’un des rares enjeux nationaux de ce type que toutes les communes peuvent prendre à bras le corps. Il est passé inaperçu ces derniers temps, mais j’aimerais vous parler de l’expatriation des jeunes français.

Pendant que nos journalistes, nos politologues, nos tribuns de la plèbe se déchirent pour un quignon de pain, notre jeunesse fiche le camp !

C’est un phénomène qui me semble autrement plus préoccupant.

La chambre de commerce et d’industrie de Paris s’est récemment émue de chiffres de l’expatriation des jeunes diplômés. Il y a, aujourd’hui, entre 1,5 et 2 millions de Français vivant à l’étranger. Le nombre a augmenté de 3 à 4 % par an depuis dix ans, soit bien plus que l’augmentation parallèle de la population française, de 0,6  % par an seulement. Je m’inquiète de cela car, si la majorité rentre au  pays après cinq ou dix ans de séjour, ils sont désormais 28 % à vouloir passer toute leur carrière à l’étranger. Parmi ces gens, les jeunes diplômés sortis de grandes écoles ou de facultés prestigieuses sont une proportion non négligeable. En outre, 27 % des jeunes diplômés français envisagent une carrière hors de France. Ce qui laisse un immense potentiel d’expatriations à venir. De cela je m’inquiète, car un pays en crise peut toujours se relever, mais encore lui faut-il les hommes pour cela. Si la France perd une partie importante de ses jeunes cadres ou de ses jeunes entrepreneurs dans les années à venir, les espoirs de relèvement en seront d’autant plus affaiblis.

Alors, chers amis, si je refuse de m’immiscer dans le choix des électeurs, j’appelle cependant tous les maires élus et les futurs maires à se poser la question de ce qu’ils peuvent faire, à leur échelle, pour stopper cette hémorragie des jeunes de leurs territoires, de leurs communes. C’est la vitalité de leurs municipalités qui s’affaisse.

Que pourrions-nous faire ? Revaloriser la filière professionnelle pour donner des débouchés à nos jeunes dans nos provinces ? Pourquoi pas ? Il y a en France des centaines de milliers d’emplois non pourvus ou pourvus par des étrangers dans l’artisanat et l’industrie. Les communes pourraient, dans le cadre des intercommunalités, étudier les filières porteuses ou manquant d’emplois dans leur territoire et soutenir financièrement la création de formations professionnelles dans les collèges et les lycées de leur territoire. Dans le cadre des chambres de commerce et d’industrie, ainsi que des pépinières d’entreprises, les communes pourraient, sur la même base, financer des formations de reconversion pour orienter des étudiants chômeurs vers ces emplois.

Pour les métiers de cadres ou pour les tempéraments d’entrepreneurs, il y a mille manières, en coordination avec la région et les services de l’Etat, de promouvoir la création d’emplois ou l’installation d’entreprises dans une commune. Dans la plupart des territoires français, je pense que c’est là une priorité, face à laquelle les édiles doivent promouvoir un discours de vérité, quitte à réorienter des crédits vers la création d’entreprises ou la formation professionnelle, plutôt que vers des subventions à des associations, parfois très utiles, mais non créatrices de richesses. Dans le cas présent, il y a urgence. C’est un investissement d’avenir.

Alors, chers amis, si je devais dire une seule chose durant ces municipales, c’est celle-ci : mesdames et messieurs les membres des conseils municipaux, des centaines de milliers de jeunes gens quittent la France chaque année, notre mission est de les garder en leur offrant ce qu’ils partent chercher ailleurs.

Parce que l’homme est enraciné dans un territoire où il vit et travaille, cet enjeu est éminemment local.

Charles

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