Editoriaux

[Point de vue] : Emmanuel Macron, « En marche vers… l’instabilité politique ou le suicide social ! »

Avec 24% de suffrages exprimés, le candidat du mouvement «En marche !» s’est qualifié le 23 avril dernier pour le second tour de l’élection présidentielle face aux 21% de son alter égo du Front national, Marine Le Pen. A l’heure où un nouveau Front républicain semble se constituer contre la fille et héritière de Jean-Marie Le Pen, qui est donc réellement Emmanuel Macron ancien ministre de l’économie du gouvernement François Hollande ?

Âgé de 39 ans, ce natif d’Amiens a fréquenté durant ses études secondaires l’établissement privé catholique « La Providence » où il a rencontré celle qui allait devenir son épouse actuelle (de 24 ans son ainée) et ancienne professeur de français, Brigitte Trogneux.  Avant d’achever ses études à Paris au Lycée Henri IV en Hypokhâgne et khâgne puis d’intégrer la prestigieuse École nationale d’administration (ENA). Ses 6 mois de stage de fin d’études (2002), il les effectuera au sein de l’ambassade de France à Lagos, au Nigeria, plongé au cœur d’un pays politiquement difficile et dont le souvenir de cette période le marque encore. Pour Emmanuel Macron, ce pays reste l’exemple d’un « continent d’avenir et de dynamisme » avec qui, comme son programme l’indique, il souhaite «établir un partenariat ambitieux (…) afin que la France soit plus à l’écoute de la société civile et de la jeunesse africaine». 

Fonctionnaire au sein de l’Inspection générale des finances (IGF) dès 2004, il devient rapidement le protégé de Jean-Pierre Jouyet, son patron et futur secrétaire d’état aux affaires européennes du premier ministre François Fillon (2007 et 2008). Ce social-démocrate convaincu, qui n’est pas un inconnu des arcanes de la vie politique française oscillant à la fois entre le parti socialiste  et celui des Républicains, entrevoit tout le potentiel que lui offre alors Emmanuel Macron. Devenu secrétaire général de la présidence de la république en 2012 de François Hollande, cet ancien président de l’autorité des marchés financiers  (2008 à 2012) présente au Président de la république un jeune Macron déjà auréolé du titre de banquier d’affaires chez Rothschild & Cie. Déjà deux ans auparavant, Jouyet avait tenté de le faire nommer comme  directeur de cabinet adjoint du Premier ministre François Fillon (qui d’ailleurs avait validé cette nomination) mais Emmanuel Macron avait refusé, n’étant pas un adepte de la « Sarkozie ».  Avec un parti socialiste revenu aux affaires, de ce jeune banquier d’affaires, on en avait fait un secrétaire général adjoint de la présidence. Une revanche inattendue pour Emmanuel Macron qui s’était vu refuser une investiture par les socialistes de la ville d’Amiens lors des élections législatives de 2007.

Pétillant et entretenant une image de gendre parfait, il attire déjà l’attention des médias alors que le Président de la république se refuse d’étudier la quasi majorité de ses proposions de réformes fiscales (excepté celle concernant CICE, ou crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui sera adoptée). Mais l’ancien chevènementiste (il aura été deux ans au Mouvement des citoyens) est ambitieux et vise un poste de ministre. Il n’est pourtant pas retenu dans le premier gouvernement de Manuel Valls et entame une très courte traversée du désert avant que Jouyet n’intervienne de nouveau et convainc Manuel Valls de le nommer au ministère de l’économie dès août 2014.

La loi qu’il initie et qui porte son nom va cristalliser les irritations de nombreux syndicats (avec en tête la Confédération Générale du Travail qui appelle à… voter désormais pour lui au second tour). Emmanuel Macron se retrouve propulsé au rang de symbole « social-libéral » et doit faire face à des centaines de milliers de français qui descendent dans la rue. Devant le tollé général, le gouvernement fera malgré tout fi des protestations populaires et fera passer en force la loi via l’article constitutionnel dit du « 49.3 ». Si le ministre est aujourd’hui tout sourire devant les caméras de télévision jouant un inlassable rôle de charmeur et aimant à répéter qu’il est le candidat de l’anti-système, son bilan comme ministre n’est pas « éloquent », « peu convaincant » nous disent les économistes qui ont analysé les effets de la loi Macron. , Jetant sans complexe un voile effronté sur sa participation au gouvernement de François Hollande, à des français atteint étrangement d’amnésie, le candidat néo-thatchérien annonce déjà la couleur en cas de victoire : « Le changement de paradigme que je propose est un basculement beaucoup plus radical ». Pourtant, les fameux « autocars Macron » qui devaient être générateurs de dizaines de milliers d’emplois n’ont créée à peine plus d’un  millier d’emplois et déjà fait fermer la porte à deux des 5 entreprises supposées être porteurs du projet. L’ouverture du travail le dimanche, article phare de sa loi et qui avait crispé les syndicats,  n’a pas non plus boosté l’emploi en France ni  provoqué cette hausse de chiffres d’affaires tant promise encore moins ni inverser la courbe de la croissance déficitaire de la France ou du chômage.  En quittant son ministère, Emmanuel Macron a laissé de nombreux chantiers derrière lui, inachevés comme la réforme des prud’hommes ou celle de la loi Evin, le stockage des déchets…

Au gouvernement des tensions éclatent, sous- jacentes puis omniprésentes entre le Premier ministre et son ministre de l’économie dont le point culminant est atteint avec la création du mouvement « En marche ! » le 6 avril 2016.

Plusieurs députés lui apportent rapidement un soutien publique devant un Président indisposé, désabusé et dépité par tant d’infidélité politique. Un ancien ministre qui n’hésite pas à déclarer publiquement « qu’il n’a rien d’un socialiste ». Invité pour les fêtes johanniques d’Orléans peu après, Emmanuel Macron en profite pour jeter les bases d’une candidature, qui n’avait plus rien de secrète, pour la présidentielle. Vantant les mérites de la république et  jetant aux orties sa déclaration de 2015 où il regrettait amèrement cet « grand absent qu’était la figure du roi (…) dont le peuple français n’avait pas voulu la mort », la presse ne cache plus, quant à elle,  son engouement pour le ministre. « L’Express » s’enflamme  et parle de ce « surdoué (…) »  qui incarne « ce mélange d’imagination et de courage qui s’appelle la modernité ». « L’Opinion » lui emboîte le pas comme « Le Monde » (dont Pierre Bergé ne cache pas ses affinités avec le ministre qui l’avait conseillé en 2010 pour le rachat du journal)  ou encore « L’Echo » qui multiplient les articles de presse élogieux à son encontre. Il est vrai que le ministre compte parmi ses amis, le patron du webzine « Slate » bien connu pour ses combats répétés en faveur des  « bienfaits de l’immigration », Eric Le Boucher, et qui en 2014 qualifiait Emmanuel Macron déjà de « jeune talent français ». Un véritable matraquage télévisuel est même mis en place en sa faveur notamment avec une chaîne d’information présente sur la TNT, dont l’actionnaire de référence est le milliardaire Patrick Dahi. Un point qui n’est pas anodin quand on sait que l’ancien directeur de médias de ce dernier est l’ex-banquier d’affaires libanais de Stanley Morgan, Bernard Mourad, qui a rejoint l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron.

Démissionnaire du gouvernement en août 2016, Macron va très rapidement se mettre en campagne, agaçant le parti socialiste dont le premier secrétaire menace d’exclure tous les élus qui le rejoindrait.  Une réaction qui prête aujourd’hui à sourire alors que se dessine le second tour de cette présidentielle et encore plus dès lors que l’on connaît le tour de passe-passe qui a été imaginé puis intégré dans les statuts du parti du socialiste  peu avant le début de la campagne officielle. Et que nous résume ainsi le journal « Libération » dans ses colonnes : «un ministre peut appeler à voter pour l’ancien ministre de l’Economie au premier tour de la présidentielle pour faire barrage au FN mais sans le parrainer tout en faisant activement campagne pour le PS aux législatives ». Dont acte !

« 40 % de ses propositions sont des copier-coller ou des prolongements des promesses de campagne » formulées par un autre candidat en 2012,  François Hollande, nous indique «  Le Monde » dans son édition du 2 mars. Certains syndicats s’inquiètent déjà de la réforme du chômage proposée par Emmanuel Macron. Peu commentée dans la presse, une des propositions du candidat à la présidentielle stipule ni plus ni moins sa volonté de « suspendre le versement des allocations à ceux qui refuseront deux offres d’emplois décentes » entre deux assouplissements des 35 heures afin que cette jeunesse puisse « travailler plus aujourd’hui » : « dans votre région,  si telle ou telle offre d’emploi dans votre métier est vacante, vous pouvez refuser une offre, pas la deuxième si elle est décente. Si vous la refusez, vous sortez du système. Par contre, s’il y a une crise dans votre métier, qu’il n’embauche plus, on doit vous former à un autre métier », avait explicité le candidat  d’ « En Marche ! » le 2 mars dernier sur BFM TV. Non sans ajouter qu’une fois à l’Elysée, il « transformerait le RSA en prime d’activité » car ce système «n’incitant forcément  pas à travailler ». Une réforme qui si elle venait à être votée, pourrait mettre dans la rue des centaines de milliers de personnes supplémentaires nous rejouant le triste spectacle que nous avait offert une Amérique plongée au cœur de la crise de 1929. Et si Emmanuel Macron entend gouverner par ordonnances  comme il le déclarait également le 9 avril, il s’était attiré les foudres du vainqueur inattendu des primaires de la gauche socialiste, Benoit Hamon. Celui que tous avaient progressivement abandonné durant sa campagne électorale, avait lancé cet avertissement aux français : « Cela en dit long fondamentalement sur la façon dont l’un comme l’autre, notamment Monsieur Macron, veulent remettre en cause le Code du Travail et les principes qui jusqu’ici protégeaient les salariés ».

«Vous n’allez pas me faire peur avec votre tee-shirt. La meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler » avait dit sur un ton méprisant, Emmanuel Macron, à un des grévistes de Lunel en 2016 qui l’apostrophait. Une « macronade » qui montre finalement le peu de cas que fait le candidat du monde du travail qui le lui rend bien. En témoigne le récent boycott de sa visite aux  futurs ouvriers délocalisés de l’usine Whirlpool.

Faut-il encore comprendre que ces ordonnances ne seraient ni plus ni moins qu’un nouvel article 49.3 déguisé au mépris de toutes règles démocratiques ? Où est-ce un appel plus subtil aux plus libéraux des Républicains devant ce qui a été une idée déjà avancée par le camp de François Fillon et reprise sans vergogne par Emmanuel Macron. Qui fait preuve d’une certaine audace sur fond d’opportunisme avéré , expression actuelle  de ses nombreux soutiens comme l’ancien ministre centriste François Bayrou, le sénateur-maire de Lyon Gérard Collomb, le vert-rouge Daniel Cohn-Bendit,  l’écologiste François de Rugy ou encore l’ancienne ministre jacques Chirac , Corinne Lepage, Bernard Kouchner qui voit dans le fringant candidat « un espoir », l’économiste Jacques Attali en passant par un certain nombre de soutiens issus du milieu du spectacle ou autres politiques etc…Si cet énarque a réussi à faire couler magistralement les deux principaux partis de la vie politique française pour y substituer ni plus ni moins que le sien, en obtenant le ralliement hypocrite des déçus du premier tour, il prend également le risque d’obtenir une majorité trop éclectique  avec des ténors qui seraient tentés de le manipuler et de rendre de facto le pays quasiment ingouvernable . 

François Fillon, devenu la photo vivante de cette corruption  qui sévit au sein de la Vème république depuis des décennies, a eu très vite tôt fait d’oublier lui-même ses critiques envers Macron distillées lors  de ses discours : «j’ai vu qu’Emmanuel Macron se présentait comme le candidat de « l’alternance profonde » (…). « Les quelques ralliés hétéroclites en seront les dupes, quand l’équipage socialiste refera surface. (…) Encore cinq ans d’occasions manquées. Cinq ans en marche arrière ! (…) Je ne suis pas une plante hors-sol mise en pot dans les grandes écoles, accrochée à un tuteur puis arrosée à l’ombre des palais de la République ». Et qui attaquait  ce « hollandisme qui se continuera dans son jeune héritier ». Au soir de sa défaite, il s’empressait de donner son adhésion à Emmanuel Macron, par nécessité absolue de voter contre le Front National suivi par un Benoit Hamon tout aussi penaud, qui lui,aussi, avait oublié par magie ses  diatribes vitriolées contre « le mirage Macron » à qui « il manquait une colonne vertébrale » et qu’il croyait  fermement « très influencé et influençable ».

Partisan de la moralisation de la vie politique, si l’idée est séduisante, c’est aussi oublier qu’Emmanuel Macron est loin d’être ce chevalier blanc qu’il prétend être. L’ancien ministre ré-adoubé par François Hollande, a fait récemment l’objet d’accusations portant sur des affaires de conflits d’intérêts et fortement soupçonné d’avoir fait sous-estimer son patrimoine fiscal. Des accusations dont curieusement la Haute autorité pour la transparence de la vie publique n’a pas souhaité donner suite à contrario de celles portées sur François Fillon ou Marine Le Pen.

Farouche défenseur de l’Union Européenne et se réclamant de la « philosophie portée par Jacques Delors » (teintée par un certain anti-américanisme latent), le devenir de l’Europe, Emmanuel Macron entend le dessiner avec le monde entier au mépris de l’histoire de France : « La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime contre l’humanité » affirmait-il lors d’un voyage en Algérie,  sans recul ni aucune analyse n’hésitant pas à prendre l’histoire en otage et l’instrumentaliser, dès qu’il le peut, à des fins partisanes. « Il n’y a pas de culture française. Il y a une culture en France. Elle est diverse» déclarait-il d’ailleurs et de manière tonitruante le 6 février à Lyon.

Les « migrants », cette nouvelle expression lyrique à la mode et qui a détrôné celui « d’immigrés » jugée trop péjorative par une poignée d’intellectuels, est une chance pour la France selon le candidat d’ «En marche ! ». Il a tranché sur cette question qui divise profondément la société française. « C’est un devoir de les accueillir »  affirmait-il après avoir salué les déclarations de la politique d’intégration de la chancelière allemande Angela Merkel, le 10 janvier 2017 : « je veux saluer ce qu’a fait la chancelière. C’est une fierté et une force pour l’Europe ». Son site officiel n’en est pas moins explicite sur le sujet : « le devoir de l’Europe est d’offrir l’asile à ceux qui sont persécutés et demandent sa protection (…) Dans ce contexte, la France doit prendre sa juste part dans l’accueil des réfugiés. Elle doit délivrer des titres à tous ceux dont elle juge qu’ils ont droit à l’asile sur son territoire». Assez pour cristalliser une partie de l’opinion française et conforter le vote  en faveur du Front national dont Marine Le Pen est devenue désormais une candidate «  qui souhaite rassembler autour du projet d’espoir, de prospérité, de sécurité, l’ensemble des Français».

Ancien candidat royaliste à l’élection présidentielle de 1974, Bertrand Renouvin résume la situation de cet entre- deux-tours avec justesse : « Les Français sont divisés sur le plan politique, ce qui ne saurait étonner dans une démocratie. Le fait inquiétant, voire dangereux, c’est que la société se fracture de plus en plus profondément sur une ligne qui sépare riches et pauvres, habitants des métropoles et habitants de leur périphérie, partisans de la mondialisation et défenseurs de la patrie. A chaque élection présidentielle l’oligarchie souligne ces fractures et promet de les réduire, puis les aggrave par ses choix ultralibéraux avant de s’indigner qu’il puisse y avoir un vote extrémiste… et mise sur la peur du Front national pour conforter son emprise ». 

Vote utile,  patriotique ou blanc, s’abstenir ? Si les monarchistes français se sont majoritairement rassemblés derrière la bannière du « Tout sauf macron » afin d’éviter la perspective de suicide social que semble lui promettre  le candidat d’«En marche ! », un homme qui n’a jamais exercé le moindre mandat politique mais purement fabriqué par le monde de la finance et les médias,  c’est une véritable question qui se pose aujourd’hui,  à l’heure des millions de français s’apprêtent à déposer leurs votes dans les urnes afin donner leur confiance à un homme ou une femme pour les 5 ans à venir. Le tout étant de déterminer lequel des deux est le candidat du rassemblement ou de la fracture. 

Verdict dans une semaine, vers un saut pour l’inconnu quel que soit le candidat qui sera élu à la tête de cette république française mise désormais sous perfusion et qui nous offre avec cette élection, le triste spectacle de sa fin de vie.

Frederic de Natal.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.