Editoriaux

Feuilles mortes et chrysanthèmes

Octobre : « Le vent fera craquer les branches,/ La brume viendra dans sa robe blanche,/ Il y aura des feuilles partout,/ Couchées sur les cailloux,/ Octobre tiendra sa revanche. »

Oui, octobre est bien là, comme nous le présente si bien ce célèbre chanteur, auteur compositeur et poète, que chacun aura reconnu.

Un homme bien singulier, à y regarder de plus près. Ne vit-il pas le plus clair de son temps à Astaffort, petit bourg du Lot-et-Garonne, avec la « Petite Marie » et leurs trois enfants. Celui que l’on appelait « macaroni » dans la cour de la communale, de par ses origines italiennes, a pourtant fait partie d’un groupe appelé « Les Gaulois ».

Par ailleurs, l’homme n’est pas étranger aux églises : « Je suis entré dans l’église, et je n’y ai vu personne, que le regard éteint du plâtre des statues, je connais un endroit où il n’y a rien au-dessus. » De plus, l’histoire de France, la vraie, est aussi mise à l’honneur dans ses textes. N’évoquait-il pas, il y a peu, dans une de ses chansons, la noblesse française à Azincourt, et plus anciennement, dans une autre, les chevaliers cathares.

Bref, quelque part, un artiste un peu hors du temps, en quelque sorte  « Hors saison », ce baladin du pays d’Oc. Ce gentilhomme qui s’est créé et anobli par lui-même, par son seul talent. Et qui, persistant à vivre sur la terre qui l’a vu naître, l’a un peu plus mise en lumière, par les activités culturelles et par delà économiques qu’il y a générées.

À l’inverse, les élus de la république, même si certains d’entre eux sont gens respectables et désintéressés, ne rêvent que de s’asseoir d’année en année, dans des fauteuils plus grands et plus confortables. Parmi les sièges les plus courtisés on notera ceux du Sénat, du Parlement européen, puis le conseil régional.

En effet, pour beaucoup de personnes, et notamment parmi celles qui gravitent autour des partis politiques, l’insertion dans le monde du travail semble particulièrement difficile, voire insurmontable. Il faut remonter aux années 70, pour trouver des élus notables ou non, ayant également une véritable activité  professionnelle qui constituait leur première source de revenus.

Donc, ils vous le diront tous, ceux qui ne songent qu’à Paris ou à Bruxelles, que notre société de plus en plus complexe justifie qu’il y ait des gens comme eux, qui suent l’eau et le sang, pour défendre leur territoire, et ce malheureusement loin de leur terre et du Français ordinaire.

Peut-on leur reprocher de ne pas avoir les dispositions créatives du mousquetaire d’Astaffort ? Certes non ! Cependant grand bien leur ferait de le prendre un peu pour modèle.

Mais revenons en octobre et bientôt en novembre.

« Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, tu vois, je n’ai pas oublié. » Du Prévert et non du Cabrel, cette fois, faut-il le rappeler ?

Non ! Les feuilles mortes ne se ramassent plus à la pelle : à présent on utilise des aspirateurs souffleurs thermiques ou électriques, et bien des choses semblent oubliées. Grâce à nos puissants moyens, trouvera-t-on encore quelques feuilles résistantes sur les cailloux des allées de nos cimetières ?

Car cette tradition de fleurir les tombes à la Toussaint, peut-être l’âge venant, n’arrive pas à s’éteindre. On constate aussi que bien des gens choisissent à présent d’être carbonisés et s’envolent ainsi vers le ciel en fumée. Je n’entamerai pas de débat à ce sujet.

Chose plus inquiétante, beaucoup de tombes de nos aïeux, de nos plus vieux aïeux, si j’ose dire, sont à présent menacées. Des écriteaux, « Sépulture à l’état d’abandon faisant l’objet d’une procédure de reprise », fleurissent dans nos cimetières. Sûrement doit-il exister une loi, un règlement, qui peut-être ne date pas d’hier : de ces choses-là nous n’en manquons point en notre pays. Mais au-delà des textes et du droit, cela ne paraît-t-il pas choquant que l’on veuille faire mourir une deuxième fois et de manière définitive nos vieux parents ?

Des tombes de « pauvres », mais pas uniquement. De beaux mausolées, dont certains sont encore en bon état, avec des noms, si ce n’est nobles, au moins à particule ; parmi eux, on trouve du Givenchy, du Saint-Just. Et quand on demande aux édiles locaux ce qu’il faut faire pour garder nos vieux morts, ils répondent qu’il faut mettre une fleur à la Toussaint.

« Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur » ne saurait convenir, je le suppose ; mieux vaut un beau chrysanthème, assujetti à la TVA ; de la poésie il en faut, un peu, mais pas trop. Cependant, des bruits circulent dans le village. Les gens ne voudraient plus se marier ici, car les tombes encerclent l’église, alors peut-être qu’il vaudrait mieux remplacer le cimetière par un parking. Que voulez vous, « The times They are a-changin’ », ça n’est pas Dylan qui s’en plaindra, lui qui vient d’obtenir le Nobel de littérature.  

Enfin, on le sait, ça n’est pas nouveau, il y a belle lurette que les élites du temps jadis ont abandonné leur terre et déserté les campagnes froides. Leurs descendants sont sûrement à Paris, Londres, New York, Dubaï ou Abou Dabi, dans ces grandes villes de finance internationale.

Mais on récolte toujours ce que l’on sème, et à ne plus rien semer, tant en graines de céréales qu’en graines d’hommes, la friche finit par gagner du terrain.

À vouloir l’argent, des conditions de vie sans cesse plus faciles, nous en sommes arrivés à cette situation de territoires désertés où vivent encore quelques villes hautement touristiques, mais aux beaux jours seulement.

Nonobstant, les choses vont évoluer. Les nouveaux Gaulois sont arrivés ! Ils commencent à être livrés, et vont régénérer sûrement ces populations de « vieilles gens » des campagnes. S’agit-il d’une commande groupée de l’État français, d’éléments standardisés produits en GPA, chez l’Oncle Sam ou en quelque pays pauvre ? Non mais que non, point n’est besoin ! Ils viennent de la jungle, un territoire très hostile. Et, il y a fort à penser que ces gens, habitués à vivre rudement, ne tarderont pas à demander aux municipalités, un bout de terre par-ci, une bêche et une binette par-là, pour se mettre de suite à l’ouvrage et se nourrir des fruits de la terre et de leur travail.

De surcroît, ils ne seront pas seuls dans ces pratiques de reconquête qui se développent ces temps-ci. Des rumeurs se font persistantes dans les couloirs de l’Élisée. Madame la ministre du Logement, monsieur le vice-président Baupin, monsieur le secrétaire d’État Placé et madame Cécile Duflot, tous n’en pouvant plus de la vie parisienne, du stupre, de la luxure et de la fornication, seraient sur le point d’entreprendre un retour à la terre. Renonçant à toutes formes d’émoluments, ils auraient décidé de mener à bien leur projet, et ce, dans cette éthique toujours rigoureuse qui caractérise les gens de gauche et les écologistes en particulier. De source autorisée, une autre information circule en haut lieu, notre ancien président « Astérix » serait aussi de la partie, afin de parfaire sa condition de Gaulois. À quand l’arrivée d’Obélix ?

In fine, les chiffres le démontrent, la renaissance nationale est bien là. Oui c’est vrai ! Il ne faut pas utiliser le mot « nationale  », ça n’est pas un bon mot.

Alors, trêve de nostalgie de romantisme, de feuilles mortes de chrysanthèmes, d’églises et de tombes abandonnées. De tout cela, j’aimerais que l’on ne m’en parlât plus, à bon entendeur, salut !  

Jean de Baulhoo

 

En hommage à Maurice Pasty

Les temps revenus

Les temps étaient revenus

Des paysans aux mains nues,

Qui arpentaient les terres noires

Dans l’astre couchant du soir.

 

De retour dans leur chaumine,

Pauvres sans craindre famine,    

Laissant sur l’huis la clef, 

Tous ils s’endormaient en paix ;

 

Car leur trésor au soleil,  

Bien trop lourd à emporter 

Et ne craignant que la grêle,

 

Depuis des temps reculés,

Dissuadait les brigands

De bien vouloir s’en charger.

 

Jean de Baulhoo Livret de poésie de France 2012

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