Histoire

Il y a cent ans le 11 septembre 1917 ..disparaissait Georges Guynemer

  

Il y a de cela une douzaine d’années, une société de production audiovisuelle inaugurait ses nouveaux locaux à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Parmi les invités figurait en bonne place la directrice de la fiction de France 2 dont, par charité, nous tairons le nom … Elle est en retard, bien sûr. Elle n’a pas donné la bonne adresse à son chauffeur et téléphone de son portable pour s’en enquérir. On lui répond : «  14 rue Guynemer. » Et elle : «  Guy comment ? »

   Georges Guynemer fait pourtant partie des personnages de notre Histoire  qui comptent le plus grand nombre de rues, de places et d’établissements à leur nom. Car cet aviateur de combat, disparu en mission le 11 septembre 1917 incarne l’essentiel des vertus longtemps encensées par l’idéalisme républicain, ou plus simplement, national :  la franchise, l’enthousiasme, la bravoure, et même l’héroïsme,  le patriotisme, le désintéressement, le respect d’autrui, la discipline …  

   Né à Paris le 24 décembre 1894 dans le milieu aisé d’une famille originaire du Valois, le futur as du combat aérien descend par sa mère de Bathilde d’Orléans, mère du duc d’Enghien. Son père, capitaine d’infanterie, a quitté l’armée pour se consacrer à des recherches historiques. Au collège Stanislas,  Georges a pour professeur d’histoire Henri de Gaulle, le père du général dont celui-ci disait que « homme de pensée, de culture, de tradition, (il) était imprégné du sentiment de la dignité de la France. » Sentiment qu’il sait transmettre à ses élèves.

    Georges est de santé fragile et se voit, en 1914, opposé un refus à son engagement. À force d’insistance, il obtient, le 22 novembre, d’être admis, à Pau, comme élève mécanicien au titre du service auxiliaire. Ce qui le rapproche de ces avions dont il rêve mais ne peut déboucher sur une formation de pilote. Il fournit un travail si remarquable et fait preuve d’une motivation si forte que, le 21 janvier 1915, alors qu’il arbore un brassard noir en signe du deuil de Louis XVI, son capitaine, comme lui « royalisant » et proche de l’Action-Française, accepte de le prendre, en situation irrégulière,  comme élève pilote.

    Le 11 mars suivant il effectue son premier vol ; il reçoit son brevet de pilote cinq jours plus tard et celui de pilote militaire le 26 avril : un record de briéveté. Le  8 juin, il est affecté à l’escadrille dite des Cigognes sur la base de Dijon, transférée ensuite dans l’Oise près de Senlis. Ses premières sorties correspondent à des missions d’observation, alors principale tâche de l’aviation dans la guerre, qui sert à repérer les mouvements de l’ennemi et à régler l’artillerie au sol de façon à éviter de tirer sur ses propres troupes, ce que l’armée française avait une fâcheuse tendance à faire. Après huit mois de lutte terrestre et indécise, les avions ne sont pas encore considérés comme des armes par eux-mêmes. Les Allemands aussi utilisant des monoplaces d’observation aérienne, la rencontre d’aéronefs ennemis provoque les premiers combats, qui ressemblent alors davantage aux joutes médiévales qu’à la guerre sans merci vers laquelle s’avance à grand pas le conflit ouvert en août 1914.

   C’est ainsi que, le 19 Juillet 1915, Guynemer remporte sa première victoire en abattant son adversaire après un bref échange.  Toujours «  volontaire pour les missions les plus périlleuses » selon sa première citation à l’ordre de l’Armée, il enchaîne les succès et les coups d’audace, ce qui lui vaut, dès le 24 décembre 1915, la croix de chevalier de la légion d’honneur, remise par le président de la république en personne, Raymond Poincaré.

   En mars 1916, son escadrille est appelée en renfort sur le théâtre de Verdun : Pétain a judicieusement décidé que la France devait avoir la maîtrise du ciel dans la zone des combats pour éviter que l’énorme offensive allemande ne débouche sur une rapide victoire de l’ennemi. Multipliant les sorties, remplaçant au pied levé des camarades blessés, le jeune sous-lieutenant ne désarme que pour dormir quelques heures.

   Combattant ensuite sur le front de la Somme, il est, le 8 février 1917, le premier aviateur à venir à bout d’un bombardier. Dans la seule journée du 25 mai, il abat quatre avions ennemis et, pour toute l’armée française, devient ainsi «  l’as des as. » Le 27 juillet, on homologue sa cinquantième victoire aérienne après qu’il a  abandonné le combat contre un adversaire dont la mitrailleuse s’était enrayée. Ce comportement de chevalier, combiné à sa bravoure et à son travail de technicien afin d’améliorer les qualités des avions de chasse, font de lui un héros, dont la renommée traverse les frontières. Passionné d’aviation et admiratif du jeune officier français, le roi d’Espagne Alphonse XIII l’inscrit à l’ordre d’Isabelle la Catholique et, à titre privé, lui offre une Hispano-Suiza, du modèle Alphonse XIII créé en 1908 : la marque d’origine espagnole fabrique aussi en France (à Bois-Colombes, en région parisienne) des moteurs d’avion que Guynemer a contribué à perfectionner.

   Lors d’une brève permission estivale, il devient la coqueluche des Parisiens. Invité et célébré partout, on le dit amant d’Yvonne Printemps, la future compagne de Sacha Guitry, alors âgée de vingt-trois ans et chanteuse vedette des Folies-Bergères.

    Il n’aura guère le temps de profiter de cette avalanche de considérations et d’agréments : le 11 septembre suivant, il est porté manquant au retour d’une mission de combat dans la zone de Langemark en Belgique flamande. Les autorités allemandes confirment sa mort mais se déclarent dans l’incapacité d’avoir pu récupérer sa dépouille en raison du bombardement intensif des lieux par l’artillerie anglaise.

   Guynemer est également un héros sur l’autre rive de l’Atlantique : Quentin Roosevelt, le plus jeune fils de l’ancien président, s’est engagé dans l’armée de l’air car il rêve de suivre les traces de ce jeune français, de trois ans son aîné. Son père, qui publie des articles patriotiques dans la presse de New-York, a surnommé son escadrille «  les Lafayette de l’air. » Parvenue en France en août 1917, elle participe à de nombreuses opérations, dans lesquelles Quentin se distingue et écrit à sa famille qu’il vengera Guynemer comme Achille a vengé Patrocle. Il est abattu à son tour le 14 juillet 1918 …

 

Daniel de Montplaisir

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