Histoire

Les incas, la survivance du Tahuantinsuyo

Le 26 juillet 1533, le Sapa Inca (Empereur) Atahualpa est garroté après sa conversion au catholicisme. L’empire inca, fondé un siècle auparavant et d’une superficie de 1 800 000 Km2, s’effondre rapidement devant les assauts de seulement 180 conquistadores et leurs alliés indiens.  Une question se pose alors … Que devient l’Empire inca après sa conquête par les frères Pizarro et Diégo Almagro ?

Lors de la prise de la capitale impériale du Tahuantinsuyo, Cuzco, point de rues pavées d’or mais de larges avenues symétriques divisées sur 4 quartiers que se partagent la basse et haute ville. Le « nombril de la terre » possède autant de palais qu’il y’a eu d’empereurs incas. Le temple du soleil achève de donner toute sa majesté à la capitale. Sur ses murs, de lourdes plaques d’or qui donnent à la ville, cette impression d’être construite entièrement de ce précieux métal. Elles seront arrachées par les hommes de Pizarro qui pillent entièrement la ville, la vide de ses bijoux, n’hésitant pas à les arracher aux hommes et femmes encore présents et détruisent le temple. Pour Francisco Pizarro, il est important de maintenir toutefois les structures administratives de l’empire. Il place alors sur le trône vacant, le frère d’Atahualpa, le Sapa inca Topa Hualpa, qui succombera au choléra après un règne de 3 mois puis un autre de ses frères, Manco Capac II (1516-1544). Celui-ci se révèle moins docile que prévu, organise un soulèvement, tente de s’emparer en vain de Cuzco avant de se réfugier dans la forteresse de Vilcabmaba  créant un néo- royaume inca. Les Espagnols tenteront bien de le déloger mais sans succès. Divisés entre pizarristes et amalgristes, les conquistadors vont se déchirer et le 26 avril 1538 à Las salinas, Diégo Almagro est fait prisonnier puis étranglé. Ses fils vengeront l’honneur de leur père en assassinant Francisco Pizarro le 26 juin 1541 après avoir pris d’assaut son palais.

L’Empire inca a deux souverains. Celui fantoche imposé par les espagnols et celui régnant à Vilcabamba. En 1556, de nouvelles négociations entre espagnols et l’Inca de Vilcabamba Sayri Tupac, permettent à ce dernier d’obtenir le titre de prince de Yucay, d’obtenir une confortable pension, des terres et même après son baptême et une dispense papale d’épouser … sa propre sœur. Son frère Titu Kusi Yupanqui, devenu Diégo de Castro, décevra tout autant ses partisans. L’Empire Inca semble destiné à sombrer de lui- même. La noblesse a déserté Vilcabamba et bien que l’état subsiste néanmoins, il doit coexister avec la Vice-royauté péruvienne.  Mais c’était sans compter, le frère des  derniers Incas, Tupac Amaru qui s’empresse de se faire couronner et d’organiser une nouvelle rébellion dont la défaite provoquera la chute totale de ce qui reste de l’empire en septembre 1572. Le dernier inca est condamné à mort avec une partie de ses enfants, son épouse, ses conseillers. Les espagnols, ivre de rage, extermineront sa postérité jusqu’au 4ème degré et ceux qui échappent à ce massacre impérial, sont exilés à travers l’Amérique du Sud. Une de ses nièces, servira de récompense à un futur gouverneur du Chili.

L’histoire aurait pu s’arrêter là et reléguer la dynastie des Incas dans les oubliettes de l’histoire mais ce qui va suivre n’est nullement enseigné dans les livres d’histoires.

L’Espagne a imposé sa loi à travers toute l’Amérique du Sud, excepté le Brésil. Une nouvelle société est née sur les ruines de l’empire inca, fruit d’un métissage entre espagnols et indiens. Les créoles sont à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de la société espagnole. Et c’est de cette caste que va naître la prochaine rébellion inca. Issu de la famille impériale par Tupac Amaru Ier, José Gabriel Condorcanqui déclenche un soulèvement messianique le 4 novembre 1780 et s’autoproclame « Inca, Seigneur des Césars et de l’Amazone » sous le nom de Tupac Amaru II. Des dizaines de milliers d’indiens le suivent, marchent sur Cuzco qui résiste. Il faudra attendre une trahison sonnante et trébuchante pour que le nouveau Sapa Inca soit capturé puis exécuté en avril 1781. La rébellion ne s’éteindra qu’en mars 1783 avec la pendaison de son cousin Diégo Tupac Amaru III et de sa famille.

Le mythe survivantiste s’installe parmi les Quéchuas, les espagnols cherchent sans le trouver le fameux trésor des Incas qui selon la légende serait enterré en Hongrie, au Château de Niedzica après qu’une princesse impériale se soit réfugiée en Europe afin de leur échapper.

En Amérique du Sud, inspirées par la révolution française puis de Napoléon Ier, les Vice-Royautés sombrent dans la guerre civile.  Dans celle de Rio de La Plata (actuelle Argentine), un patriote influent reste persuadé que le système monarchiste reste le meilleur gouvernement politique dès lors que l’indépendance sera proclamée. Le Général Manuel Belgrano (1770- 1820) est un héros de l’indépendance. Lors du Congrès de Tucuman (1816), il déclare alors que la monarchie permettrait de stabiliser la nouvelle République naissante devant un parterre de congressistes médusés mais conquis. Bien que ces derniers ne soient pas réellement opposés à la monarchie, il ne serait pourtant pas question de mettre un Bourbon à la tête de l’Argentine. Belgrano acquiesce. Il va donc mettre à exécution le « Plan Inca » qui consistera à restaurer un descendant des Incas sur son trône.

On évoque la candidature du Prince Dionysos Yupanqui, un descendant des Incas qui est officier militaire et député du Pérou à Cadiz ou alors celle de Juan Bautista Monjarras. Les caciques indiens qui sont consultés approuvent la restauration de l’Inca. Les négociations avec les différentes provinces de la Vice- royauté (devenues les Provinces Unies) commencent dès le 12 Juillet 1816. Il s’agit de les rallier à cette idée. Si celles du Haut Pérou et du Nord- Ouest sont acquises à l’idée de la restauration de la monarchie inca, celle du Cuyo et de Buenos Aires sont opposées à cette monarchie. Les royalistes espagnols lui opposent  la candidature de la Reine Charlotte –Joaquina, épouse de Jean VI du Portugal. Les discussions s’éternisent et au début de 1817, les indiens menacent de se soulever et de proclamer l’Inca dans les Provinces du Nord. Les Républicains veulent que le Congrès se réunisse à Buenos Aires, les partisans de la monarchie pour l’Inca insistent pour rester à Tucuman. Le Général Jose de San Martin tranche et installe une Junte à Cordoba ; le Congrès est installé à Buenos Aires et le plan Inca définitivement abandonné au profit d’un prince de Bourbon-Parme qui ne montera jamais sur ce trône sud-américain.

La République ne sera pas reconnaissante aux descendants des derniers empereurs et qui ont été reconnus par Charles Quint. Simon Bolivar, le héros de l’indépendance sud-américaine, fait abolir les titres de noblesse, saisir leurs biens et leur interdit d’exercer la moindre profession d’état. Devenus d’illustres anonymes ou obligés d’hispaniser leurs noms, les princes de la maison Inca gardent des partisans dans les campagnes qui continuent de leur vouer un culte. Un des membres de la maison, Francisco Chukiwanka Ayulo, sera un défenseur ardent des droits des indiens au cours du XXème siècle. En février 2014, les descendants des incas se sont organisés en associations et ont créé le Conseil des 4 Incas.  Le Pérou a depuis redécouvert sa dynastie impériale qui entend réclamer ses anciens palais, ses privilèges perdus et revenir en politique comme Carlos Paredes Gonzales, ancien candidat au poste de Vice- Président du Pérou.  D’ailleurs depuis peu, c’est un descendant de 67 ans,  Alfredo Inca Roca, qui incarne l’empereur Atahualpa lors des annuelles reconstitutions historiques de Cuzco. Il existe plusieurs branches survivantes actuelles réparties entre le Pérou et l’Espagne, l’Equateur et le Chili. Quant à la princesse Isabel Atayupanqui Pachacútec, reconnue comme prétendante officielle par les autorités de Lima,  elle est décédée en février 2014 à 90 ans.

La survivance continue avec pour dernier gardien du mythe, le grand condor de la cordillère des Andes. Dans les plaines, on continue toujours de vouer un culte à Pachamama, la terre-mère et son fils, l’Inca.

Frédéric de Natal

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