Politique

De Boudarel à Nemmouche : autres temps, mêmes moeurs !

Que voulez-vous, il faut bien vivre avec son temps et les “Chances pour la France”.

Nous avons appris il y a quelques jours que l’auteur du quadruple assassinat commis au Musée juif de Bruxelles le 24 mai, Mehdi Nemmouche, djihadiste “français” ayant séjourné en Syrie dans les rangs de l’Etat islamique (EI), arrêté en France et extradé le 29 juillet en Belgique, aurait été l’un des geôliers les plus pervers et les plus violents des otages occidentaux détenus par l’organisation islamiste.

Cette information, qui nous avait  été soigneusement cachée jusque là, provient, notamment, des témoignages d’ex-otages journalistes français libérés le 20 avril dernier et les éléments retenus font également état de la présence de Mehdi Nemmouche parmi les gardiens de l’ancien otage américain James Foley, égorgé et décapité avec la cruauté que l’on sait, le 20 août, par les fanatiques de l’Etat islamique.

Aussi est-il bien normal que nous nous interrogions sur le fait que ce dangereux malfrat ait été extradé aussi facilement en Belgique avant qu’il ait eu à rendre compte de ses crimes en France, même si l’on devine pourquoi, le pouvoir souhaitant plutôt étouffer ce genre d’affaire (eu égard à l’antécédent Merah) que l’affronter courageusement.

Mehdi Nemmouche aurait donc été sur les lieux de détention, en Syrie, des quatre journalistes français, Didier François, Edouard Elias, Nicolas Hénin et Pierre Torres, enlevés en juin 2013. Depuis leur remise en liberté, ces derniers sont régulièrement consultés par les services secrets français de la DGSI et de la DGSE et c’est ainsi qu’il est apparu que Nemmouche aurait été chargé par l’organisation terroriste à laquelle il appartenait de surveiller les otages occidentaux. Il aurait, néanmoins, fait montre d’une grande brutalité et commis des actes graves que l’on a manifestement préféré nous cacher jusqu’à présent. Et c’est là que s’installe  le parallèle avec Georges Boudarel, le sinistre tortionnaire de nos soldats dans les camps du Viet-Minh, lors de la guerre d’Indochine.

Si Mehdi Nemmouche, selon le procureur de la République de Paris, est parti de Syrie, en février, pour rejoindre la Malaisie d’où il a rayonné pendant un mois et demi vers Singapour et Bangkok, les conditions de son départ restent méconnues. Et les raisons du retour de Nemmouche en Europe restent à éclaircir. A-t-il été missionné ou a-t-il pris seul l’initiative de commettre les actes dont on l’accuse ? Ce qui est troublant aujourd’hui, c’est l’affirmation du journal Libération, lundi 8 septembre, selon laquelle certains de nos services secrets étaient au courant d’un projet d’attentat à Paris le 14 juillet (http://www.liberation.fr/societe/2014/09/07/je-vais-faire-cinq-fois-merah-au-14-juillet_1095637).

Mais le pire dans cette affaire réside dans le fait que les nouveaux éléments concernant le rôle de geôlier de Mehdi Nemmouche en Syrie suscitent aujourd’hui chez certains ex-otages français, comme au sein du pouvoir, “un débat” (entendez : des états d’âme) sur leur statut dans l’enquête visant, en France, le tueur présumé du Musée juif de Bruxelles. Car, de fait, ils ne sont plus de simples témoins mais des victimes dont les demandes de réparations par des plaintes avec constitution de partie civile devraient conduire à l’ouverture d’une information judiciaire qui les mettraient, paraît-il, en porte à faux par rapport à l’engagement qu’ils auraient pris de ne pas parler sur le sujet pour éviter des représailles sur les prisonniers occidentaux restant encore entre les mains des djihadistes !

Et c’est du reste une hypothèse que le parquet de Paris, qui devrait alors céder la main à un juge d’instruction, redoute au plus haut point car une affaire aussi grave aurait sans doute des conséquences politiques considérables. ” Pour ma part, indique l’ex-otage Nicolas Hénin, je souhaite que l’on reste dans le cadre de l’enquête préliminaire car cette procédure est la mieux à même de préserver la sécurité des personnes qui restent encore entre les mains de l’Etat islamique.” Bref : surtout pas de vague à un moment où les institutions vacillent pour moins que cela…

Alors nous posons la question : soit nos otages ont reçu des directives impératives des autorités françaises pour garder le silence et ne pas risquer de déstabiliser la précaire paix sociale qu’elles s’efforcent de préserver quel qu’en soit le prix, soit nous sommes devant une caricature du classique syndrome de Stockholm…

Dans les deux cas la France est souillée par le mensonge et la honte.

Jean-Yves Pons

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