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Chute du gouvernement de coalition républicano-royaliste au Népal

Après 287 jours de gouvernement, la coalition républicano-royaliste vient de voler en éclat. Le gouvernement conservateur du Premier ministre Khadga Prasad Sharma Oli n’a pu résister à une motion de censure qui devait être déposée par ses alliés du Congrès du Népal et du Parti communiste du Népal, ce 25 juillet. Bien que l’un des deux partis royalistes, membre de la coalition, ait apporté son soutien au Premier ministre, en dépit d’une médiation chinoise et sous le coup d’une rumeur de putsch lancée sur les réseaux sociaux par les maoïstes, Sharma Oli a été contraint de donner sa démission.

Depuis plusieurs mois, l’opposition marxiste était entrée en conflit ouvert avec le gouvernement, notamment avec ses alliés royalistes à qui elle reprochait de se servir des avantages liés à leurs fonctions afin de promouvoir le retour de la monarchie au Népal.  Le Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Kamal Thapa, ancien ministre du roi Gyanendra Bir Bikram Shah Dev, ne faisant pas mystère de sa volonté de voir le souverain revenir aux affaires.  Les milliers de népalais, arborant des cocardes monarchistes, qui s’étaient déplacés à la résidence royale le 7 juillet dernier (jour anniversaire du roi), les tensions ethniques à la frontière couplées à une crise économique et la gestion catastrophique du dernier séisme, la multiplication des rassemblements monarchistes dans tout le pays et le soutien récent de l’Inde à l’idée d’un référendum sur la question (le Bharatiya Janata Party, parti hindou nationaliste au pouvoir en Inde, ayant révélé qu’il avait rencontré le roi sans toutefois préciser la nature de sa rencontre avec lui)  avaient crispé autant les communistes et autres mouvements maoïstes  du pays que le Congrès du Népal, ancien soutien et fossoyeur de la monarchie, parti majoritaire au parlement.

Entre 2014 et  2015, les monarchistes du Rastriya Prajatantra Party Nepal avaient maintenu une pression constante sur le précédent gouvernement de coalition. Ainsi, par deux fois, les royalistes avaient investi le parlement  et bloqué les institutions parlementaires (24 députés royalistes siégeant actuellement à l’assemblée), menaçant le pays d’un coup d’état pro-monarchiste si la question du retour de la monarchie hindoue n’était pas posée aux népalais. En intégrant le gouvernement, en échange d’une renonciation aux manifestations de rue, les royalistes avaient obtenus des postes clefs au sein de la coalition. La sensibilité monarchique du gouvernement, qui n’avait pas hésité à rendre récemment hommage au fondateur de la dynastie royale,  et la fusion annoncée des deux partis royalistes avaient laissé penser aux analystes politiques locaux que la restauration de la monarchie n’était plus qu’une question de mois. Kamal Thapa ayant ouvertement demandé le 6 juillet dernier qu’un référendum soit mis en place avec adoption de l’hindouisme comme religion d’état (dans une interview, le ministre de la réforme de la terre et de l’aménagement du territoire, Ram Kumar Subba, avait annoncé qu’il était disposé à quitter son poste de ministre afin de permettre la restauration de la monarchie, « système plus important à ses yeux que sa propre position actuelle ». L’ancien ministre des finances, Prakash Chandra Lohani, économiste reconnu, avait quant à lui déclaré « qu’il était désormais urgent de restaurer une monarchie hindoue décentralisée au Népal »).

Le roi, lui-même, s’était également jeté dans la bataille politique. Deux fois souverain (1950- 1951 et 2001- 2008), Gyanendra avait publiquement fait part de son refus d’accepter l’adoption de la nouvelle constitution et avait été acclamé à diverses reprises dans les rues de Katmandou, la capitale. Bénéficiant d’une protection rapprochée, au frais du gouvernement, les maoïstes avaient dénoncé virulemment le comportement du « citoyen Gyanendra » contraire aux lois de la nouvelle république laïque et fédérale.

En quittant le gouvernement, le leader royaliste Kamal Thapa, dont la page officielle sur Facebook rassemble plus de 100 000 personnes,  a déclaré à la presse, « qu’il n’avait pas de regrets à avoir travaillé avec le Premier ministre [communiste] Oli qui possédait une réelle stature de chef d’état ». Les deux hommes se connaissaient bien car, sous le régime monarchique, Sharma Oli avait occupé le poste de ministre de l’Intérieur ente 1994 et 1995, celui de Vice-Premier ministre en 2006 et des Affaires étrangères jusqu’en 2007. L’ancien chef rebelle  Pushpa Kamal Dahal n’avait eu de cesse, depuis l’élection de ce dernier comme Premier ministre, de dénoncer le « monarchisme ambiant »  régnant au sein du gouvernement de Sharma Oli, l’accusant même de recevoir des ordres directs du roi déchu lui-même.

Le chef du parti maoïste, dont le parti avait été le premier à se retirer de la coalition en mai dernier, Pushpa Kamal Dahal (dit Prachanda), devrait selon toutes attentes, être nommé une nouvelle fois au poste de Premier ministre (le 8ème depuis la chute de la monarchie en 2008). Strapontin qu’il avait occupé jusqu’en 2009. Les royalistes dans l’opposition pourraient être, quant à eux,  désormais tentés à leur tour de revenir dans la rue et de provoquer à court terme la chute de ce énième gouvernement, générant une crise qui plongerait le pays dans une nouvelle guerre civile. Avec en fond de toile, la rivalité féroce et expansionniste que se livrent la Chine et l’Inde sur cet ancien royaume enneigé (Les communistes ont plusieurs fois accusé leur voisin indien de tentative de déstabilisation).

Les maoïstes ont d’ores et déjà annoncé, qu’une fois de retour au  pouvoir, ils n’hésiteraient pas à envoyer au tribunal pour crimes de guerres, l’ancien roi Gyanendra Bir Bikram Shah Dev, Kamal Thapa et Sharma Oli. Un dossier ayant déjà été remis en ce sens à la commission Vérité et réconciliation.

Frederic de Natal

 Sources : https://www.facebook.com/groups/monarchiste/search/?query=N%C3%A9pal

Démission du premier ministre du Népal

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