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SAR Maha Chakri Sirindhorn, princesse exemplaire

Le 2 avril prochain, Son Altesse Royale Maha Chakri Sirindhorn célèbrera ses 60 ans, c’est-à-dire l’entrée dans son sixième cycle de vie, selon la tradition bouddhiste thaïlandaise[1]. Déjà, tout le royaume est couvert du drapeau violet de la princesse, qui est frappé de son chiffre[2]. Des inaugurations, des conférences, des lancements de projets et des festivités sont programmés pour toute cette année 2558 de l’ère bouddhique[3]. Le point culminant de tous les évènements sera bien sûr atteint le 2 avril prochain.  

Mais qui est donc cette princesse Sirindhorn[4], affectueusement surnommée « Phra Thep », que l’on peut traduire par « Princesse Ange », par les sujets du Royaume de Thaïlande ? Cette question peut en effet se poser car si aucun Thaïlandais n’ignore son existence, elle est relativement peu connue en Europe et en France en particulier. Pour ma part, je l’ai découverte lors de mon premier voyage dans le Royaume, en 1980. Déjà à l’époque, son portrait ornait la plupart des logis et des boutiques, aux côtés de celui du Roi Bhumibhol et de la Reine Sirikit, et cela m’avait intrigué. Car Maha Chakri Sirindhorn n’est pas le seul enfant du couple royal. Elle a un frère et une sœur aînés, ainsi qu’une sœur cadette. Mais parmi ces quatre princes et princesses, elle est incontestablement la favorite des Thaïlandais. Cela est dû à ses grandes qualités, à sa rectitude morale, à sa simplicité et à ses actions pour le pays et pour le bien commun.

La princesse naquit le 2 avril 1955 à Bangkok. Elle fit toutes ses études, très brillantes, en Thaïlande. Elle eut la première place au niveau national à l’examen de fin d’études primaires ainsi qu’au baccalauréat, qu’elle décrocha en 1972. Elle obtint ensuite une licence d’Histoire (première classe, médaille d’or) en 1976, à l’Université Chulalongkorn, puis une maîtrise d’Epigraphie orientale (Sanskrit et Khmer) en 1978, à l’Université Silapakorn. Sa thèse portait sur les inscriptions découvertes au  Prasat  Phnom Rung. En 1980, elle présenta une thèse sur le Dasapāramī[5]  dans le Bouddhisme Theravada qui lui permit d’obtenir une maîtrise en Pali et Sanskrit de l’Université Chulalongkorn. En 1986 elle reçut un doctorat en développement éducationnel de l’Université Srinakharinwirot. Sa thèse traitait du développement d’une conception innovante pour l’enseignement de la langue thaïe au lycée. Depuis lors, elle enseigne l’Histoire à l’Académie Militaire de Chulachomklao (elle est d’ailleurs officiellement la directrice du Département d’Histoire de cette Académie). Polyglotte, la princesse parle couramment, outre sa langue maternelle, l’anglais, le français et le chinois. Elle maîtrise le pali, le sanskrit et le khmer et elle a en outre étudié l’allemand et le latin. Parmi les nombreuses décorations étrangères qui lui ont été attribuées, signalons qu’elle est titulaire de l’Ordre des Palmes Académiques (France). Le 24 mars 2004, Maha Chakri Sirindhorn fut nommée ambassadrice de bonne volonté de l’UNESCO pour la préservation du patrimoine culturel intangible et l’autonomisation des enfants issus de minorités par le biais de l’éducation. A l’instar de son père le Roi, elle est également une remarquable musicienne et elle joue de plusieurs instruments traditionnels. Elle aime aussi peindre et elle se passionne pour la littérature, aussi bien la thaie que l’étrangère. Elle est elle-même l’auteur de nombreux articles de presse, de poèmes, et même de petites nouvelles. La princesse dirige plusieurs fondations dont les buts vont de la promotion de la culture et de l’enseignement supérieur à la protection de l’environnement et à l’aide aux anciens combattants handicapés. Parmi ces nombreuses fondations, on pourra citer la fondation Princesse Maha Chakri Sirindhorn, créée en 1979, qui soutient les étudiants défavorisés d’écoles techniques et des universités. En outre, elle se consacre aussi au développement des projets lancés par ses parents en faveur de la santé et de l’hygiène, de l’éducation, de l’agriculture et de la protection de l’environnement.

Passionnée par la recherche scientifique et le progrès technologique la princesse a parrainé et souvent financé d’innombrables instituts, fondations et centres divers, dans tout le pays. Pays qu’elle sillonne d’ailleurs inlassablement, suivant en cela l’exemple jadis donné par son père[6]. Maha Chakri Sirindhorn a peu changé, durant toutes ces années. Elle a conservé la même allure modeste et réservée. Elle est toujours vêtue avec simplicité, n’ayant jamais eu beaucoup d’intérêt pour la haute couture et les atours dispendieux. Toujours coiffée de la même manière, ses cheveux sont simplement ramenés en arrière. Ils sont à présent un peu grisonnants, mais la princesse ne semble jamais avoir songé à les faire teindre.  Maha Chakri Sirindhorn ne s’est jamais mariée, contrairement à ses deux sœurs. Restée célibataire, elle s’est toute entière investie dans son rôle et dans les tâches qu’elle s’est elle-même attribuées, voici plus de 40 années. 

En 1974, la constitution thaïlandaise fut modifiée, afin de permettre à une femme de pouvoir éventuellement accéder au trône. Jusque-là, la succession suivait la règle de primogéniture mâle. Le 5 décembre 1977, jour du 49ème anniversaire du Roi son père,  la princesse Sirindhorn reçut le titre de princesse héritière[7], version féminine du titre que porte son frère aîné le prince héritier Maha Vajiralongkorn[8]. Cela signifie que Maha Chakri Sirindhorn pourrait éventuellement accéder au trône, ce qui comblerait certainement la majorité des Thaïlandais, qui lui voue une extraordinaire dévotion, contrairement à son frère. La réputation de ce dernier a en effet été quelque peu ternie par ses trois divorces consécutifs. La sœur aînée de la princesse, Ubol Ratana[9], a été exclue de la ligne de succession du fait de son mariage, en 1972, avec Peter Ladd Jensen, un roturier étasunien (dont elle a divorcé en 1998).

On l’aura compris, Son Altesse Royale est très loin du stéréotype habituel des princes et des princesses de ce monde. Elle fait rarement la une des magazines populaires ou de ceux couvrant l’actualité du gotha. Intelligente et cultivée, elle est en cela la digne fille de son père, dont elle est très proche. Mais elle est aussi et surtout la « princesse de cœur » des sujets du Royaume de Thaïlande. Nul doute que ce 2 avril, décrété jour férié dans le pays, sera une journée particulièrement mémorable pour elle-même et pour son peuple.

Vexilla Galliae et ses lecteurs se joignent donc aux 67 millions de Thaïlandais pour souhaiter à Son Altesse Royale un très joyeux anniversaire.

Hervé Cheuzeville


[1] Chaque cycle de vie est fait de douze années. La fin du cinquième cycle et l’entrée dans le sixième est particulièrement auspicieux.

[2] La princesse est née un samedi, et le violet est la couleur du samedi. Le Roi quant à lui est né un lundi, c’est pourquoi la couleur de son drapeau est le jaune,  couleur de ce jour de la semaine.

[3] Qui débute à la mort de Siddhârta, le Bouddha.

[4] Prononcer Sirinthone.

[5] Terme pali désignant les dix perfections du Bouddha, ses accomplissements et ses vertus qui lui permirent d’atteindre le nirvana.

[6] Rama IX, le Roi Bhumibol Adulyadej (prononcer Phoumiphone Adunyadet) est sur le trône de Thaïlande depuis 1946 et est donc non seulement le doyen des souverains de la planète, mais aussi le doyen des chefs d’Etat. Aujourd’hui relativement âgé (87 ans) et souffrant, il ne se déplace plus guère. Je lui ai consacré un article le 5 décembre dernier : https://www.vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/1100-les-royaumes-meconnus-8-la-thailande

[7] Sa titulature officielle est :  สมเด็จพระเทพรัตนราชสุดา เจ้าฟ้ามหาจักรีสิรินธร รัฐสีมาคุณากรปิยชาติ สยามบรมราชกุมารี (Somdet Phra Theppha Rat Rat Suda Chao Fa Maha Chakkri Sirinthon Rattha Sima Khuna Kon Piya Chat Sayam Boromma Ratcha Kumari)

[8] Né le 28 juillet 1952.

[9] Née le 5 avril 1951 à Lausanne.

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