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« Mortels, devenez immortels… »

… Quand viendra l’heure d’être reconnu par tous comme étant un être irréprochable, ne disposant que de qualités, ayant beaucoup œuvré pour les autres (même si cela paraissait tellement discret que personne ne l’avait remarqué de votre vivant), devenant enfin cet être de lumière qu’il ne vous était pas possible d’être quand vous étiez alourdi par les ombres de la terre. « Comment allons-nous vivre sans lui ? » devient un leitmotiv dans les rangs de la procession qui monte jusqu’à votre caveau.

Si vous pouviez assister à vos funérailles, autrement dit suivre le cortège de votre dépouille, vous entendriez ces éloges, vous demandant même si l’on parle de vous tant certains propos paraissent exagérés, eu égard à la vérité que vous connaissez bien et à la réalité qui est vôtre, intimement, sans excuse d’oublis. L’avantage de la mort – puisqu’il s’agit d’elle – c’est qu’elle vous absout de toutes vos fautes, vos erreurs, vos mensonges, vos dérives, vos compromissions et que l’on vous aime tellement que vous auriez presque envie de revenir sur terre. Patience, vous redescendrez sur terre un jour pour un autre itinéraire, mais avant ce nouveau voyage, vous aurez quelques formalités à remplir là-haut, où rien n’est compliqué, mais d’une clarté époustouflante et sans aucune circonstance atténuante.

Et bien oui, nous sommes le 1er novembre et nous allons tous profiter de ce temps pour nous recueillir sur les tombes de nos chers disparus (nous le deviendrons aussi « chers ») et peut-être même envisager de modifier quelque peu nos comportements en admettant que nous sommes de passage, seulement de passage et que « la dernière chemise est sans poche » (dixit ma bien aimée grand-mère). Mais qu’il est difficile de renoncer à tous nos privilèges et de changer légèrement en apportant ce que l’on peut aux autres, sans se dépouiller certes, mais pour contribuer à donner de la joie sous une forme ou sous une autre. A doses homéopathiques pour les « regardants » qui pourraient participer plus largement mais préfèrent prévoir l’avenir, à plus ou moins haute dose pour qui a le cœur aussi généreux qu’un soleil de midi en pleine saison d’été dans le sud de la France.

Je sais qu’il existe des gens qui se promènent dans les grands enterrements pour avoir l’illusion de faire partie de la famille, de cette riche famille qui s’offre un tel service funéraire. Ils écoutent ce qui se dit. Ils vont même jusqu’à ajouter quelques commentaires de regret sur celui que la terre va recouvrir. Cette démarche permet de savoir où dormira le cher disparu et à quelle classe sociale il appartenait réellement. Si par exemple, vous découvrez par le rite qu’il était franc-maçon, vous risquez parfois de tomber des nues. Comment il l’était et n’a jamais fait preuve d’humanisme, de tolérance, etc. etc. ? Quelle misère, quelle déception ! Et de souhaiter que là-haut, Dieu qui sait reconnaître les siens sera sans pitié pour cette vie menée sans souci de l’autre, alors qu’il s’y était engagé.

Il est surprenant et fascinant à la fois de réaliser combien « passer par l’église » est une nécessité sociale et religieuse, non seulement pour respecter les dernières volontés du défunt, mais pour retrouver tous les membres de la famille, les amis, proches et lointains, et s’accorder dans la communion de ces échanges de l’amour, de la compassion, de la réconciliation. Vous entendrez alors les confidences de la dernière rencontre. Oui, il s’est confessé. Oui, il s’est posé la question – avant le dernier souffle –  de l’existence de Dieu (puisqu’il en doutait jusqu’à ce jour) et il en a profité pour avouer ses fautes, toutes ses fautes. A quoi bon mentir quand sonne l’heure de quitter la terre ? Le visage du confesseur quand il a quitté la chambre, vous ne l’oublierez jamais. Qu’a-t-il entendu de si terrible pour afficher cette pâleur en sortant de la chambre ?  Heureusement, tous les départs ne sont pas tragiques et les aveux terribles !

Dans notre société chrétienne (oui, plus pour très longtemps si on n’y veille pas), la célébration des funérailles donne lieu à des prières, à des hommages, à un rituel très particulier tout au long de celle-ci. Toutes ces formalités, le choix du cercueil, de l’homélie, de l’accompagnement musical, des faire-part, des annonces dans les média, des invités à garder, vont permettre aux organisateurs de se concerter pour faire exactement ce que le défunt voulait, si tant est que celui-ci a eu la sagesse d’y réfléchir dans les temps. Rédiger son testament et y inclure cette formalité ne va pas précipiter votre mort, mais vous donner seulement une grande tranquillité d’esprit.

Alors évidemment, tout cela a un coût, exorbitant pour certains qui ne l’avaient pas prévu. Il faut être passé par cette épreuve ou avoir reçu une documentation des pompes funèbres pour réaliser que s’offrir un beau départ demande quelques subsides. 

Une enquête très récente des Pompes Funèbres Générales (PFG) révèle que cette année, 70% des cérémonies sont religieuses contre 75% en 2008. Si la crémation est choisie (36% des décès contre 28% en 2008), 53% des obsèques sont civiles. Mais il ne faut pas voir là un fléchissement de la foi, mais des problèmes économiques qui n’ont pas été résolus dans les temps. D’où l’effort réalisé par les PFG pour inciter les citoyens à cotiser tous les mois en vue de ce dernier acte de volonté sur terre. Notre génération dispose encore de caveaux familiaux qui ont pu être acquis par les générations précédentes. Mais pour combien de temps ? 

Il n’est jamais trop tôt pour envisager ce dernier voyage dans l’espérance et l’amour du Christ. Qu’est-ce que la Vie par rapport à la Mort et la Mort par rapport à la Vie ? Depuis l’antiquité, des écrits de Platon, Anaxagore, Héraclite nous ont permis d’approcher la mort par ces voyageurs qui en sont revenus et nous ont fait part de ce merveilleux qui entoure l’au-delà. Comme nous serons heureux là-haut, entourés des nôtres, libérés du poids de notre corps et de toutes ces contraintes auxquelles il nous est difficile de nous soustraire.  

La cérémonie chrétienne des funérailles nous donne plusieurs chances : celle de partir accompagné par tous ceux et celles qui tenaient à nous ; celle d’avoir la certitude que notre vie là-haut sera tellement plus intéressante que celle que nous menons sur terre (lire à ce sujet tous les témoignages de « Mort Provisoire ») ; celle enfin qu’ayant un toit sur notre tête, au moins une fois par an, nos proches défileront sur notre tombe pour nous raconter leurs histoires (« ah si tu étais encore là… »), prier pour notre salut, offrir des messes et nous assurer l’éternité dans leur cœur. 

Oui, je vous garantis l’immortalité si vous choisissez de partir avec le Christ dans la foi, dans une demeure où vous recevrez des visiteurs, comme tous ceux qui cohabitent au cimetière du Père Lachaise avec éclat, joie et bonheur. Et n’oublions jamais : Jésus va au-devant de la mort, paisiblement, en vainqueur, sachant que Dieu ressuscitera son corps (Actes 2. 27). Il a détruit, par sa mort, la puissance du diable qui nous effrayait (Hébreux 2. 14). La septième parole annonce le repos de la nouvelle création. Le péché et le mal sont vaincus à la croix et la création est libérée et restaurée. Tout comme le septième jour a été le jour du repos et de la satisfaction, la septième parole introduit le Seigneur dans le lieu du repos : les mains du Père. À la suite de Jésus, nous pouvons, devant la mort, nous confier paisiblement en notre Dieu et Père. Alors mortels, vous êtes aujourd’hui, immortels, vous deviendrez demain ! 

Solange Strimon

  

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