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Guadeloupe, Centrafrique: tout le monde s’en fout

Voilà plusieurs semaines que les médias nous rebattent les oreilles avec la Syrie et Marseille. Si bien évidemment, les cas de la deuxième ville de France et de la Syrie, pays à très grande valeur culturelle, sont très préoccupants, le reste du monde n’est pas à la fête.

Pour commencer par le territoire français, saviez-vous que le département le plus dangereux de France, surpassant les Bouches-du-Rhône, est la Guadeloupe ? Suivie de près par la proche Guyane, ce département d’outre-mer compte 37 meurtres depuis le début de l’année. Sur une population de 400 000 habitants, ce chiffre est bien supérieur aux statistiques marseillaises.

Ô surprise ! Manuel Valls ne s’y rend pas à chaque drame. Christiane Taubira, charmante importation de Guyane au demeurant, non plus.

Victorin Lurel, le fameux député de gauche au discours farouchement opposé à la dénaturation du mariage a “révélé”, en qualité de parlementaire ultramarin, que beaucoup d’armes circulaient en Guadeloupe. Les autorités en ont récupéré quelques centaines en échange de l’immunité judiciaire des propriétaires de pétoires diverses.

Marine Le Pen ne fait pas son beurre de cette “insécurité” et les français de métropole n’ont pas droit aux envoyés spéciaux permanents (ces spécialistes des scènes de meurtres en fond d’écran s’appeleraient plutôt des correspondants) des médias d’information. Et en Guadeloupe, difficile d’imputer la criminalité à l’immigration maghrébine et subsaharienne. Donc la Guadeloupe n’est pas une bonne cliente de plateau. Les règlements de compte sur fond de vol de volailles resteront ainsi dans le canard exotique local.

Pour passer de la France d’outre-mer à la Françafrique, voyageons vers une ancienne colonie française : la république centrafricaine. Depuis des années, celle-ci vivote dans une sanglante guerre civile. Une de ces guerres civiles africaines qui frappe des populations de nations décolonisées peut-être trop vite et qui trouvent leur misère enflée des conséquences des multiples guerres de chefs.

La situation politique du pays est très complexe et la présenter avec justesse serait long et délicat. Toujours est-il que le président Bozizé (qui a perdu le soutien de l’Elysée) aurait rejoint, en qualité de réfugié, le Congo voisin. La province équatorienne de l’ex-Congo belge a accueilli des milliers de centrafricains qui se sont ajoutés aux milliers de déplacés des guerres intestines de la république démocratique du Congo. Ces derniers jours, une coalition rebelle, la Seleka, a été dissoute au profit d’une confusion décuplée. Ce qu’il reste d’Etat, conjugué à la disparité et aux exactions des rebelles et aux problèmes entre agriculteurs et éléveurs a poussé la communauté internationale à former une force militaire pour reprendre les choses en main. Le Tchad voisin, qui y a déjà laissé du sang, devrait s’engager dans le cadre d’une force principalement africaine, mais qui a des difficultés à se mettre en place. En attendant, les différentes milices ravagent le pays.

Bilan : des milliers de morts, des dizaines de milliers d’habitations détruites et 200 000 réfugiés, selon Human Rights Watch.

Malheureusement pour eux, les centrafricains n’ont pas une situation géopolitique aussi stratégique que la Syrie et ainsi leur population est saignée à l’impérial mépris du monde entier. Impérial, comme le surréaliste Bokassa, l’ancien dirigeant centrafricain qui s’était ridiculisé à la face du monde en s’auto-déclarant empereur, avec couronne et manteau d’hermine. Mais lui chassait avec Valéry Giscard d’Estaing et alimentait les ventes du Canard enchaîné avec ses cadeaux en diamant. Le volatile avait ainsi décroché, par les chasses de Giscard, un de ses plus beaux trophées.

Le trophée (de chasse) le plus juste que l’on puisse donner aux médias est celui du massacre du peuple centrafricain. Décidemment, les actionnaires des journaux ont réécrit les trois tamis de Platon : ne parler que si l’information est falsifiable, effectuer un effet de loupe sur l’information utile au système par la soustraction des sujets inutiles et s’assurer que les reportages et articles seront bons pour ceux qui payent et subventionnent le gîte et le couvert de ces messieurs-dames dotés de cartes de presse.

Julien Ferréol


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