Chretienté/christianophobie

Avec les saints de France, en avant…

… pour la reconstruction de la fille aînée de l’Église 3/4

Par Frère Clément-Marie* : création de nombreux instituts missionnaires

De pas de lilliputiens à pas de géants, nous arrivons presque au terme de notre beau voyage, Frère Clément-Marie *de la Famille Missionnaire de Notre-Dame en Ardèche ayant toujours alimenté de son savoir la vie des saints de France, nous lui en sommes reconnaissants. Quel bonheur d’avoir reçu autant de richesses et de pouvoir les partager !

Au  XIXe siècle, le sang des martyrs est semence de chrétiens… Dans le siècle qui suivit la Révolution, la fécondité de l’Église en France fut exceptionnelle. Le XIXe siècle, dont avec un mépris orgueilleux et déplacé on moque aujourd’hui trop facilement la spiritualité, a produit des fruits de sainteté admirables et innombrables; 

Quelle fécondité a eue notre nation en ce siècle ! Au début de ce siècle, la France a été marquée par le saint Curé d’Ars, Jean-Marie Vianney (1786-1859), sans doute profondément bouleversé par sa première communion faite par une nuit de 1799, dans une grange où un prêtre réfractaire célèbre la Messe en grand secret.

Nous ne pouvons pas mentionner tous les saints de ce siècle, les nombreuses fondations d’ordres religieux, particulièrement voués à l’éducation, ainsi que l’extraordinaire vitalité des missionnaires. Parmi eux saint Théophane Vénard (1829-1861), au Tonkin, dont la devise était, au milieu des multiples difficultés et dangers de la mission : « Vive la joie quand-même ! » De nombreux instituts missionnaires sont fondés en ce siècle : les Picpuciens (1800), les Maristes (1815), Les Oblats de Marie-Immaculée (1816), les Spiritains de la congrégation du Saint-Esprit (1848) les Missions africaines de Lyon (1856). De très nombreux missionnaires évangélisèrent l’Afrique, l’Asie, et l’Amérique du Nord principalement. On estime aujourd’hui que plus des deux tiers des missionnaires dans le monde au XIXe siècle sont français ! 

Je voudrais, à titre d’exemple, évoquer les Oblats de Marie Immaculée. Ces religieux, fondés par saint Eugène de Mazenod, évêque de Marseille, ont évangélisé en particulier les Esquimaux, dans l’actuel Nord-Canada. Ces religieux missionnaires ont beaucoup souffert des conditions de vie dans ces pays de grand froid. Un certain nombre s’y sont épuisés, y sont morts de froid ou d’accidents ou ont été martyrisés. En témoignage de l’héroïsme de ces saints missionnaires, voici un petit extrait d’une lettre de l’un d’entre eux, le Père Roger Bulliard (1909-1978), adressée aux jeunes qui rêvaient de venir les rejoindre dans ces régions à évangéliser : « Vous rêvez de vivre à l’esquimaude, j’en rêvais aussi. Vous rêvez d’iglous (j’ai aidé à en faire au scolasticat), vous rêvez d’y dormir ; si vous venez ici, vous en serez vite lassés ; après une rude journée, à 10 heures du soir, tailler des blocs, les ajuster dans le vent, boucher les trous n’est pas un jeu. À l’intérieur, il fait froid ou bien l’eau tombe goutte à goutte : le rêve aussi s’est refroidi.

Vous rêvez d’immenses voyages ; mais après avoir souffert sur terre de la neige molle ou des cailloux, sur mer des kilomètres de glaces brisées, amoncelées, qu’il a fallu franchir en marchant sur les genoux, vous ne rêvez plus. (…) Vous rêvez de faire de la pêche, de chasser le phoque ; d’y être obligés vous deviendra un fardeau. Vous rêvez de purs Esquimaux et, laissez-moi vous le dire, vous avez peur qu’ils ne se civilisent. Eh bien ! Ils vous riront au nez si vous faites des fautes en parlant ou en prêchant, vous serez tentés de les envoyer promener. Ils seront grossiers devant vous et vous poseront des questions pénibles. Ils seront ingrats souvent, mercantiles toujours, menteurs à vous dégoûter de tout. Alors ? Alors, si vous avez l’esprit de foi, si votre cœur est surnaturel, si vous ne venez ici que par zèle pour les âmes, vous ne serez pas déçus. Vous serez heureux. » Citation de Joseph THÉROL, Martyrs des neiges, 1954, Nouvelles éditions latines, page 158. 

Enfin, ce XIXe siècle se terminera en apothéose par la figure très aimée de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus (1873-1897), co-patronne de la France, et co-patronne des missions, définie par le Pape saint Pie X comme « la plus grande sainte des temps modernes ».

Notre XXe siècle compte lui aussi des saints dans notre pays : citons, entre autres, les bienheureux Charles de Foucauld (1858-1916), Marcel Callo (1921-1945), Marie-Eugène (1894-1967, ou encore le bienheureux Daniel Brottier (1876-1936). Ce dernier s’est illustré notamment par son courage et son zèle lors de la première guerre mondiale. Alors qu’il avait été auparavant réformé, il obtient du gouvernement la permission de fonder un corps d’aumôniers volontaires : ainsi ce réformé passera toute la guerre en 1re ligne !

Les « poilus » sont ébahis de le voir toujours indemne ; lui-même ne comprend pas les protections vraiment miraculeuses dont il bénéficie. Il apprendra plus tard que son évêque l’avait placé sous la protection de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Puisque nous sommes toujours dans le centenaire de cette terrible guerre, nous devons évoquer ces nombreux saints prêtres qui ont donné leur vie pour combattre aux côtés de tous les jeunes appelés, et pour les soutenir dans leur ministère.

Parmi eux, citons la figure du Père Paul Doncoeur (1880-1961). Tout jeune prêtre, plusieurs fois blessé au front. Il avait d’abord été exilé de France en 1902 à cause de la politique anticléricale de Clémenceau, et il fut du nombre des religieux qui revinrent volontairement de l’étranger pour défendre le pays durant la grande guerre. Plus tard, en 1924, le président du Conseil, M. Edouard Herriot décidera d’expulser de nouveau les religieux. La réaction du Père Doncoeur fut claire et précise. En octobre, il écrivit une lettre publique à M. Herriot, qui fit marche arrière.

Voici quelques extraits de sa célèbre lettre : « Non, nous ne partirons pas. Pas un homme, pas un vieillard, pas un novice, pas une femme ne repassera la frontière, cela jamais ! J’ai vécu douze ans en exil, de 22 à 34 ans, toute ma vie d’homme. Je vous le pardonne. Mais le 2 août 1914, à 4 heures du matin, j’étais à genoux chez mon supérieur. C’est demain la guerre, ai-je dit, ma place est au feu. Et mon supérieur m’a béni et m’a embrassé.

Par des trains insensés, sans ordre de mobilisation (j’étais réformé), sans livret militaire, j’ai couru au canon, jusqu’à Verdun. Le 20 août, à l’aube, avant la reprise du combat, à la recherche des blessés du 115e, j’avançais au-delà des petits postes, quand tout à coup, je fus enveloppé par le craquement de vingt fusils, et je vis mon camarade étendu de son long, contre moi, sur la route, la tête broyée. J’ai senti à ce moment que mon cœur protégeait tout mon pays. Jamais je n’avais respiré l’air de France avec cette fierté. (…) J’ai été trois fois blessé, je garde toujours sous l’aorte un éclat d’obus reçu dans la Somme (…) Et maintenant vous me montrez la porte  

Vous voulez rire M. Herriot ! Mais on ne rit pas de ces choses. Jamais, pendant cinquante mois, vous n’êtes venu me trouver. […] Ni moi, entendez-vous, ni aucun autre (car tous ceux qui étaient en âge de se battre se sont battus), ni aucune femme, nous ne reprendrons la route de Belgique. Cela jamais ! Vous ferez ce que vous voudrez, vous prendrez nos maisons, vous nous ouvrirez vos prisons […] Mais partir comme nous l’avons fait en 1902 ? Jamais ! (…)

Soldats de Verdun, nous avons appris ce que c’est que de s’accrocher à un terrain. Nous n’avons pas eu peur ni des balles, ni des gaz, ni des plus braves soldats de la garde ; nous n’aurons pas peur des embusqués de la politique. » Citation de  Pierre MAYOUX, Paul Doncoeur, aumônier militaire, 1966, Éditions de la Loupe, pages 207 à 209.

 

 Propos de Frère Clément-Marie

de la Famille Missionnaire de Notre-Dame  à Saint-Pierre-de-Colombiers en Ardèche

 Solange Heisdorf-Strimon

 

 

NB : nous aborderons dans le prochain et dernier épisode les saints de notre pays, une histoire de résistance et nous espérons vous avoir vraiment intéressés.

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