Chretienté/christianophobie

De nouveaux saints, martyrs des persécutions antichrétiennes

Dimanche 16 octobre, le Pape François a procédé à la canonisation de sept bienheureux, parmi lesquels se trouvaient deux Français, deux Italiens, un Espagnol, un Mexicain et un Argentin. Deux de ces nouvelles canonisations ont particulièrement retenu mon attention.  D’abord celle d’un jeune garçon mexicain nommé José Luis Sanchez del Rio. Je l’avais découvert voici quelques mois grâce à « Cristeros », le magnifique film de Dean Wright dans lequel le grand acteur Peter O’Toole interpréta son dernier rôle, celui d’un vieux missionnaire, le Père Christopher. Comme son titre l’indique, ce film retrace l’épopée des « Cristeros », une rébellion mexicaine des années 20. Face à l’anticléricalisme de l’État et du président  Plutarco Elías Callès, en réaction à la multiplication des mesures antichrétiennes et des atteintes à la liberté de culte, des hommes et des femmes de toute origine sociale se soulevèrent contre l’arbitraire. D’abord pacifiquement puis, face à la répression aveugle, par la violence. À travers tout le pays, des catholiques prirent les armes contre le gouvernement en criant « Viva el Cristo Rey ! » (Vive le Christ Roi !) C’est de là que vint le surnom de « Cristeros », qui leur fut donné par dérision par les militaires gouvernementaux. L’armée rebelle, dirigée par le charismatique général Enrique Gorostieta, rassembla plus de 50 000 combattants. Le soulèvement spontané se transforma en une véritable guerre civile qui dura de 1926 à 1929 et fit plus de cent mille morts. Le nouveau saint était l’un de ces jeunes Cristeros. José Luis Sanchez del Rio était issu d’une famille aisée du Michoacan (au centre du Mexique). Face aux exactions gouvernementales, il brûlait du désir de rejoindre, comme ses frères aînés, l’armée rebelle, ce que sa mère refusait. Le général Gorostieta finit par l’accepter comme porte-drapeau. Le 25 janvier 1928,  le cheval du général fut tué en pleine bataille : le jeune José Luis lui offrit alors le sien, lui permettant ainsi de s’échapper. Le jeune garçon de 14 ans fut ensuite capturé par les soldats gouvernementaux. Emprisonné, il se déclara prêt à « mourir pour Dieu » et fut battu et torturé. Des militaires lui entaillèrent la plante des pieds et le contraignirent à marcher sur le sol couvert de sel avant de le forcer à faire le tour du cimetière. Après quoi, on lui fit creuser sa propre tombe. Son bourreau lui promit la vie sauve s’il acceptait de crier « Mort au Christ Roi » : le jeune garçon répondit « Longue vie au Christ roi ! » Exaspéré, son bourreau sortit son pistolet et le tua de plusieurs balles dans la tête.

José Luis Sanchez del Rio fut reconnu martyr par Jean-Paul II puis, en 2005, béatifié par Benoît XVI. Cette canonisation est intervenue après le voyage que le Pape François a effectué au Mexique au début de cette année (durant laquelle il s’est rendu dans la basilique où sont conservés les restes du martyr[1]).   Elle marque un rejet de la laïcité extrémiste, de l’intolérance religieuse et des persécutions antichrétiennes voulues par l’État, que ce soit au Mexique ou ailleurs, hier ou aujourd’hui.

La seconde canonisation qui m’a beaucoup touché est celle d’un autre martyr, le Français Salomon Leclercq. Ce prêtre et éducateur naquit à Boulogne sur Mer en 1745. Fils de commerçants de cette ville, il entra au noviciat des Frères des Écoles Chrétiennes en 1767 et prit le nom de frère Salomon. Pour rappel, les frères des écoles chrétiennes ou (en latin Fratres Scholarum Christianarum) forment une congrégation laïque masculine de droit pontifical. Ils sont connus sous le nom de Lasalliens. Cette congrégation fut fondée à Reims en 1680 par saint Jean-Baptiste de La Salle. Elle est vouée à l’enseignement et à la formation des jeunes, en particulier les plus défavorisés.

À Paris, Frère Salomon enseigna durant de longues années avant de devenir l’économe de sa congrégation puis le secrétaire du frère Agathon, le supérieur général. Comme tant d’autres religieux de cette époque, il refusa, en 1790, de prêter serment à la Constitution civile de clergé, que le nouveau pouvoir révolutionnaire tentait d’imposer afin d’exercer son contrôle sur l’Église de France et la détacher de Rome. La plupart des Frères des Écoles Chrétiennes refusa également de prêter ce serment. Ils durent abandonner leurs écoles et leurs communautés et se cacher, l’Institut des frères des écoles chrétiennes n’ayant plus de statut légal. Le Frère Salomon entra dans la clandestinité et vécut seul, à Paris. Il nous reste de lui de nombreuses lettres qu’il écrivit à sa famille. La toute dernière est datée du 15 août 1792. Ce même jour, il fut arrêté et enfermé au couvent des Carmes transformé en prison, avec de nombreux évêques, prêtres et religieux. Puis, ce fut la terrible journée du 2 septembre 1792, lorsque des hordes fanatisées et avinées déferlèrent dans les prisons de Paris pour y massacrer les prisonniers. Aux Carmes, 191 ecclésiastiques dont trois évêques furent massacrés dans des conditions particulièrement horribles, sous la conduite du commissaire Stanislas-Marie Maillard, exécuteur des ordres du Comité de surveillance. Celui-ci avait installé un « tribunal » dans le couvent. Il jugeait et condamnait illico tous ceux qui lui étaient amenés. La porte s’ouvrait et dès que les religieux qui avaient refusé de prêter serment à la Constitution civile du clergé en franchissaient le seuil, ils tombaient sous les coups de piques ou de baïonnettes des bourreaux de Stanislas-Marie Maillard. Ce massacre dura toute la nuit. La presque-totalité des prisonniers fut massacrée de cette manière dans les locaux et le jardin du couvent. Le Frère Salomon, alors âgé de 47 ans, subit le même sort.  On se souvient des victimes de cette horrible journée du 2 septembre sous le nom de « martyrs de Septembre » ou encore de « martyrs des Carmes ». Une plaque de marbre sur laquelle figure les mots Hic ceciderunt (Ici, ils périrent) indique le lieu de leur martyr. En 1926, le pape Pie XI béatifia les « martyrs des Carmes ». Les ossements des prêtres furent placés dans une châsse en verre, au couvent des Carmes, devenu l’Institut catholique de Paris.

La guérison miraculeuse, en 2007, d’une petite fille de la banlieue de Caracas – où les Lasalliens sont très représentés – permit la canonisation de Salomon Leclerq.  

Avec sa décision de canoniser ces deux martyrs, la victime de la Révolution Française et celle de la politique anticléricale au Mexique, le pape a certainement tenu à rendre hommage aux chrétiens qui surent « être fermes dans la prière pour rester fermes dans la foi et dans le témoignage ».

Cette fermeté ressort largement des lettres que Salomon Leclercq écrivit à sa famille, alors que la Révolution se faisait de plus en plus dure contre les prêtres. « Son ‘‘oui” de la dernière minute est en cohérence avec la fidélité avec laquelle il s’est rendu disponible à ses missions successives », explique le Frère Jean-Paul Aleth, visiteur provincial des Frères des écoles chrétiennes en France. Pour lui, le nouveau saint « nous remet en face de notre vocation du don que nous avons fait au Christ pour le service éducatif des jeunes ». « Salomon Leclercq est un témoin : derrière le martyre, il y a toute l’œuvre éducative », assure de son côté Éric Poteau, directeur adjoint du lycée Nazareth, un établissement de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), présent le dimanche 16 octobre sur la place Saint-Pierre avec un groupe d’une douzaine d’élèves. Ceux-ci ont travaillé durant l’année autour du nouveau saint, du martyre et de la sainteté. « Cela les a beaucoup motivés », raconte-t-il.

« Prier, ce n’est pas se réfugier dans un monde idéal, ce n’est pas s’évader dans une fausse quiétude égoïste », a expliqué le pape dans son homélie. « Au contraire, prier, c’est lutter, c’est aussi laisser l’Esprit saint prier en nous. » Pour lui, « ces sept témoins canonisés aujourd’hui ont combattu la bonne bataille de la foi et de l’amour avec la prière : c’est pourquoi ils sont restés fermes dans la foi, avec le cœur généreux et fidèle. »

Pour la petite histoire, on notera que  Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur (et des Cultes) et Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires Etrangères, ne se sont pas rendus à Rome pour assister à la canonisation du Français Salomon Leclercq et de la Française Elisabeth de la Trinité malgré   l’invitation qui leur avait été envoyée par le Saint-Siège. Salomon Leclercq n’étant qu’un « contre-révolutionnaire », selon Cazeneuve, assister à cette émouvante cérémonie aurait été, pour eux, porter un coup à l’image de la grande Révolution Française, mère de la République. La France a donc été représentée par Ségolène Royal,  Ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, chargée des Relations internationales sur le climat. C’est très bien que la ministre en charge de l’écologie se soit dévouée. Mais c’est beaucoup moins bien que les deux ministres à qui il incombait d’être présent place Saint-Pierre ne s’y soient pas rendus, pour des raisons purement idéologiques. 224 années après les exactions du 2 septembre 1792, n’est-il pourtant pas grand temps d’intégrer tous les aspects de l’Histoire de France, quitte à mettre mal certains mythes fondateurs de la République ?

Pour mémoire, je voudrais mentionner ici les cinq autres bienheureux canonisés par le Pape ce dimanche 16 octobre.  

Tout d’abord, le prêtre italien Lodovico Pavoni, fondateur de la congrégation des Fils de Marie Immaculée. Cette congrégation, fondée par Lodovico Pavoni au début du XIXe siècle, assure la formation professionnelle de jeunes hommes défavorisés ou en situation de décrochage. Aujourd’hui, on dénombre 200 Pavoniens qui marchent dans les pas de leur fondateur, mort en 1849. Cent ans séparent les deux miracles retenus pour la canonisation de Lodovico Pavoni. Tout d’abord en 1909, une Italienne souffrante de typhoïde guérit du jour au lendemain alors qu’elle gardait une relique du prêtre sous son oreiller. En 2009, c’est un Brésilien qui se rétablit entièrement après un accident vasculaire cérébral, doublé d’une insuffisance rénale et d’une insuffisance respiratoire aiguë. Son fils, membre de la congrégation des Fils de Marie Immaculée, avait organisé une prière commune pour son père.

Alfonso Maria Fusco est l’autre prêtre italien canonisé la 16 octobre.Entré au séminaire à l’âge de 11 ans, il fut ordonné prêtre à 24 ans avant de fonder la congrégation des Sœurs de saint Jean-Baptiste. Cette congrégation féminine, présente dans 17 pays, poursuit des missions d’évangélisation et d’éducation auprès des enfants pauvres. Mort en 1910, Alfonso Maria Fusco fut béatifié par Jean-Paul II en octobre 2001.

Nous avons ensuite Manuel Gonzalez Garcia, évêque espagnol décédé en 1940 à Palencia, au nord de l’Espagne. Fondateur des Missionnaires Eucharistiques de Nazareth, une congrégation religieuse qui compte 200 membres dans les pays hispanophones, Manuel Gonzalez Garcia fut béatifié en 2001 par Jean-Paul II. Plusieurs miracles lui sont attribués. En 1953, une habitante de Palencia, Sara Ruiz Ortega, fut guérie d’une tuberculose grave après avoir reçu une relique de Manuel Gonzalez Garcia d’un prêtre local, Francisco Teresa León. Puis, en 2008, une Espagnole de 78 ans atteinte d’un cancer récidiviste fit appel au même prêtre, toujours en fonction, pour recevoir l’extrême-onction. Celui-ci ne pouvant se déplacer lui fit envoyer une relique de l’évêque. Les médecins constatèrent quelques jours plus tard la disparition complète de la tumeur.

Pour la première fois de son pontificat, le pape François a canonisé un compatriote argentin. José Gabriel del Rosario Brochero, prêtre de Cordoba (ville du centre de l’Argentine), naquit en 1840 et mourut en 1914. Ce prêtre souffrait de la lèpre et finit ses jours aveugle. Il fit l’objet d’une véritable vénération dans son pays après avoir parcouru des milliers de kilomètres à dos de mule dans les montagnes pour aller à la rencontre des habitants et soigner les victimes d’une épidémie de choléra. Fait inhabituel, l’exhumation du religieux en 1973 a révélé que sa masse encéphalique était encore intacte. Toujours représenté vêtu d’un poncho coloré et avec une tasse de maté, la boisson nationale argentine, à la main, José Gabriel del Rosario Brochero est surnommé le « curé gaucho », du nom de ces gardiens de troupeaux à cheval de la pampa argentine. Il fut béatifié en 2013, après la reconnaissance de deux miracles. Nicolas Flores et Camila Brusotti Rios, deux enfants argentins dans un état végétatif, le premier après un accident de la route et la seconde après des violences familiales, retrouvèrent une vie normale après les prières de leurs proches adressées à José Gabriel del Rosario Brochero.

Nous en arrivons enfin à Élisabeth de la Trinité, une religieuse française dont la courte vie n’est pas sans rappeler celle de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Entrée au carmel de Dijon à 21 ans elle mourut cinq ans plus tard des suites de la maladie d’Addison. Elle laissa derrière elle un riche héritage consacré à la Trinité et notamment sa prière « Ô mon Dieu Trinité que j’adore » qui résume sa spiritualité.Béatifiée par Jean-Paul II en 1984, cette carmélite fut canonisée par le pape François après la reconnaissance de la guérison d’une professeure de religion belge. Atteinte d’une maladie orpheline, cette dernière s’était rendue au Carmel de Dijon en 2002, là où Élisabeth de la Trinité avait vécu, là où elle avait souffert et était morte. Les symptômes de sa maladie disparurent dès sa descente de voiture, à son arrivée sur le parking du Carmel.

Ces sept canonisations interviennent à point nommé, alors que les Chrétiens se préparent à célébrer la Toussaint. Dommage que nos « grands médias » aient peu couvert l’évènement. Mais sans doute que la canonisation d’un prêtre qui, comme l’a fait remarquer Bernard Cazeneuve, était un contre-révolutionnaire, n’a pas été jugée politiquement correcte !

Hervé Cheuzeville


[1] Une représentation en cire du jeune martyr y est exposée dans une châsse en verre, avec une relique du nouveau saint.

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