Chretienté/christianophobie

La grande parabole de l’enfant prodigue (2/2)

Pour ce 5e dimanche de Carême : nous n’avons jamais peur de croiser un regard aimant. Combien de pécheurs se sont sentis aimés par Jésus lorsqu’ils se mettaient sous son regard ! Jésus n’aime pas le péché, mais il aime le pécheur et il le relève en lui offrant une nouvelle chance. Aujourd’hui, c’est la journée du CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement). Et nous poursuivons notre route avec la suite de la grande parabole de l’enfant prodigue. 

La parabole dans l’enseignement de Jésus s’inscrit dans un genre littéraire déjà bien attesté dans notre culture. Le terme vient du grec parabolè, lui-même issu du verbe para-ballein qui veut dire littéralement “jeter auprès de”, d’où “comparer”. Parabolè signifie “rapprochement, comparaison”.
À la différence de l’allégorie, où chaque élément vaut pour en désigner un autre, la parabole ne s’interprète pas point par point, mais par un trait saillant qui constitue sa pointe. Bien que la différence ne soit pas toujours nettement établie, on peut dire d’une certaine manière que si dans l’allégorie les termes sont à comprendre au sens propre, dans la parabole, ils sont à entendre au sens figuré.

Socrate en use dans l’Antiquité classique pour interroger ou convaincre ses auditeurs à partir d’exemples concrets. Comme le rapporte Aristote : “La parabole est cette manière dont Socrate se servait ordinairement. Si quelqu’un voulait montrer qu’”on ne doit pas tirer les magistrats au sort”, il dirait : “c’est comme si on choisissait les athlètes par le sort, non pas ceux qui ont les aptitudes physiques pour concourir, mais ceux qu’aurait favorisé la chance. » La parabole pose donc une situation générale, comparable dans son ensemble à une autre situation générale, comme le laisse entendre l’expression “c’est comme“.

Dans l’Ancien Testament, le mashal, l’équivalent hébreu de la parabole grecque, peut désigner dans la Bible moins soucieuse de rhétorique, des genres littéraires encore moins définis et plus divers suivant les livres où il se rencontre. Sa racine hébraïque signifie “être semblable” ou “comparer” et l’idée fondamentale est bien celle de comparaison même si elle ne suffit pas à rendre compte de l’usage polyvalent du terme, qui peut ainsi désigner un dicton (I Sam 24,14), une épigramme satirique (I Sam 10, 11-12), un proverbe,  un oracle (Is 14, 4 ; Mi 2,4) ou encore une allégorie si connue qu’elle n’a plus à être explicitée comme celle de la vigne pour désigner Israël (Jr 2,21). Très présent dans les livres prophétiques et dans la littérature de sagesse, le mashal désigne donc plusieurs formes, de la comparaison développée, au récit, mais toujours appuyées sur la comparaison. L’exemple le plus proche de la forme de la parabole évangélique est celui de l’histoire que le prophète Nathan raconte à David (II Sam 12,1-5) pour lui faire reconnaître qu’il a agi en faisant tuer Urie le Hittite, le mari de Bethsabée, comme le riche qui a tué l’agnelle du pauvre. Le déplacement opéré sur la scène du récit a permis à David de juger l’attitude d’un personnage fictif avant que Nathan ne l’oblige à y reconnaître son propre comportement : “Cet homme c’est toi”.

Mais c’est du mashal rabbinique que le genre littéraire de la parabole évangélique est le plus proche. Le mashal rabbinique vise un but essentiellement didactique. Avec le goût et la recherche de l’analogie qui caractérisent l’exégèse rabbinique, le mashal sert à expliquer, commenter, interpréter, illustrer un verset ou un passage de l’Écriture. Jésus de Nazareth n’a pas “inventé” le genre de la parabole même si la parabole est un trait distinctif de son enseignement. Quand il enseigne en paraboles, il s’inscrit  dans une tradition qui est celle des rabbins de son temps. Il en reprend par exemple les formules introductives : “A quoi allons-nous comparer… ?” ou “par quelle parabole allons-nous représenter ?” qui fait écho à celles, typiques des meshalim rabbiniques : “À quoi cela ressemble-t-il ? … La chose ressemble à … “, “À quoi est comparable … ? Il est comparable à …”, “il en va de … comme de …”. Mêmes parallélismes issus du style oral. Il puise également aux mêmes thèmes familiers empruntés à la vie quotidienne et rurale : un pasteur et son troupeau, un homme qui part en voyage, embauche des journaliers, un festin, des noces.

On y retrouve surtout le motif du retour qui symbolise la conversion. Comme dans la parabole d’un roi qui dépêche auprès de son fils dévoyé son pédagogue afin qu’il le ramène (Deutéronome Rabba II, 24), ou encore celle d’un fils de roi séparé de son père qui n’a pas la force de revenir et auquel le père envoie dire qu’il fera lui-même le reste du chemin dans le Pesiqta Rabbati 44.

Si la parenté formelle est patente avec le mashal rabbinique, elle est surtout thématique avec les textes de l’Ancien Testament. Enfin, si elle n’a pas d’équivalent dans le corpus synoptique du Nouveau Testament, on peut cependant peut-être la rapprocher de cette parabole que l’on trouve dans l’évangile de Matthieu : “Quel est votre avis ? Un homme avait deux fils. S’avançant vers le premier, il lui dit : ‘Mon enfant, va donc aujourd’hui travailler à la vigne’. Celui-ci lui répondit : ‘Je ne veux pas’, un peu plus tard, pris de remords, il y alla. S’avançant vers le second, il lui dit la même chose. Celui-ci répondit : ‘J’y vais, Seigneur’ ; mais il n’y alla pas. Lequel des deux a fait la volonté de son père ?” (Mt 21, 28-31).

Faisons-nous la volonté de Dieu quand on oublie de partager et d’être dans la bienveillance envers l’autre ? À vous toutes et tous que votre cœur s’épanouisse comme une fleur au soleil pour répandre amour, beauté et parfum dans votre environnement.

Solange Strimon

Ndlr : Pour lire ou relire la première partie de l’article de Solange Strimon : La grande parabole de l’enfant prodigue (1/2)

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