Chretienté/christianophobie

À propos de la vision œcuménique du Pape François

A l’occasion de la grande semaine de prière pour l’Unité des chrétiens qui a eu lieu du 18 au 25 janvier 2016, le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, a publié un texte sur la vision œcuménique du pape François : « Nous rencontrer, regarder le visage l’un de l’autre, échanger l’accolade de paix, prier l’un pour l’autre sont des dimensions essentielles de ce chemin vers le rétablissement de la pleine communion à laquelle nous tendons… »

À la première place du dialogue œcuménique se situe l’œcuménisme de la charité, de la fraternité et de l’amitié. Le pape François, homme de la rencontre directe, qui ne se lasse jamais de promouvoir une culture crédible de la rencontre, mise tout sur la rencontre directe entre les chrétiens et entre les différentes Églises et communautés ecclésiales et il le fait avec la conviction que dans cette rencontre non seulement se trouve l’unité, mais qu’on y trouve aussi la vérité.

De fait, « la vérité est une rencontre, une rencontre entre personnes. La vérité ne se fait pas en laboratoire, elle se fait dans la vie, en cherchant Jésus pour le trouver ». Cette rencontre avec Jésus-Christ conduit inévitablement à la rencontre entre frères et sœurs chrétiens. Ces paroles, le pape François les avait prononcées à Caserte lors de sa visite privée au pasteur pentecôtiste, Giovanni Traettino, en juillet 2014, et cela nous révèle une autre facette, aussi surprenante que positive, de sa façon de vivre l’œcuménisme. Le pape François s’est adressé avec une grande cordialité aux communautés ecclésiales évangéliques et pentecôtistes. Rappelant les persécutions perpétrées contre les pentecôtistes pendant le fascisme en Italie – persécutions auxquelles des catholiques aussi prirent part et pendant lesquelles les membres des églises pentecôtistes furent stigmatisés comme « fanatiques » et « fous » – le pape François a ressenti le devoir de demander pardon par les paroles suivantes : « Je suis le pasteur des catholiques: je vous demande pardon pour cela ! Je vous demande pardon pour ces frères et sœurs catholiques qui n’ont pas compris qu’ils étaient tentés par le diable et qui ont fait la même chose que les frères de Joseph. Je demande au Seigneur qu’il nous donne la grâce de reconnaître et de pardonner ».

Un autre grand pas vers la réconciliation a été fait par le pape François en juin 2015, lorsqu’il s’est rendu à Turin pour rencontrer – il fut le premier pape à le faire – la communauté vaudoise dans le temple vaudois local. À cette occasion aussi, il s’est senti le devoir de demander pardon. Et il s’est exprimé de façon touchante : « En réfléchissant sur l’histoire de nos relations, nous ne pouvons que nous attrister face aux conflits et aux violences commises au nom de la propre foi, et je demande au Seigneur qu’il nous donne la grâce de nous reconnaître tous pécheurs et de savoir nous pardonner les uns les autres […] Au nom de l’Église catholique, je vous demande pardon. Je vous demande pardon pour les attitudes et les comportements non chrétiens, même non humains que, au cours de l’histoire, nous avons eus contre vous ».

Avec ces deux demandes de pardon pour les péchés commis dans le passé, le pape François a montré que, souvent, les signes forts sont plus éloquents que beaucoup de paroles. De tels gestes font partie intégrante du vocabulaire œcuménique du Saint-Père et rendent visible ce qui lui tient le plus à cœur. Le geste accompli par le pape François pendant sa visite à l’église patriarcale du Phanar à Constantinople, lorsqu’il s’est incliné devant le patriarche œcuménique Bartholomaios, lui demandant la bénédiction pour lui-même et pour l’Église de Rome, restera certainement gravé dans les mémoires.

Le pape François montre qu’il est un protagoniste crédible de cet œcuménisme de la conversion. Selon la conviction du pape François, ces dimensions de l’effort œcuménique doivent précéder, tout en l’accompagnant constamment, l’autre dimension essentielle du cheminement œcuménique, définie comme l’œcuménisme de la vérité. C’est pourquoi le dialogue théologique se situe seulement à la seconde place dans l’engagement œcuménique. Le pape François l’a redit plusieurs fois, relativisant l’importance que revêt le dialogue théologique dans la recherche de l’unité, par exemple quand il a affirmé sans équivoque que l’unité des chrétiens « ne sera pas le fruit de discussions théoriques raffinées dans lesquelles chacun tentera de convaincre l’autre du bien-fondé de ses propres opinions. Le Fils de l’Homme viendra et il nous trouvera encore en train de discuter » (Homélie des vêpres de la solennité de la conversion de saint Paul apôtre, 25 janvier 2015).

Dans ce même esprit, le pape François et le patriarche œcuménique Bartholomaios ont redit, dans leur déclaration commune, en mai 2014 à Jérusalem, que « le dialogue théologique ne recherche pas le plus petit dénominateur commun sur lequel aboutir à un compromis », mais il est plutôt destiné « à approfondir la compréhension de la vérité tout entière que le Christ a donnée à son Église, une vérité que nous ne cessons jamais de mieux comprendre ».

 « Si les chrétiens dépassaient leurs divisions » qui minent la crédibilité de l’Évangile : « Étant donné la gravité du contre-témoignage de la division entre chrétiens, particulièrement en Asie et en Afrique, la recherche de chemins d’unité devient urgente. Les missionnaires sur ces continents répètent sans cesse les critiques, les plaintes et les moqueries qu’ils reçoivent à cause du scandale des chrétiens divisés ». C’est pourquoi, aux yeux du Saint-Père, « l’engagement pour l’unité qui facilite l’accueil de Jésus Christ ne peut être pure diplomatie, ni un accomplissement forcé, pour se transformer en un chemin incontournable d’évangélisation ».

Étant entendue l’importance de l’engagement œcuménique pour l’unité des chrétiens et du cheminement commun de tous les chrétiens et de toutes les Églises, il est évident, pour le pape François, que nous ne pouvons pas, humainement, faire l’unité par nos seules forces, mais plutôt que nous pouvons la recevoir comme un don du Saint-Esprit qui est la source divine et le moteur de l’unité. Le pape François attribue, d’une part, une grande importance à la prière commune, dans laquelle nous pouvons dès maintenant vivre l’unité. C’est pourquoi, les visites des chefs d’autres Églises au Vatican sont toujours une bonne occasion de prier en communion avec le pape. D’autre part, le Saint-Père rappelle constamment que les chrétiens et les communautés ecclésiales doivent prier les uns pour les autres : « Puisse l’Esprit Saint nous illuminer et nous guider vers le jour tant désiré où nous pourrons partager la table eucharistique »  (Discours à Karekin II, patriarche suprême et  catholicos de tous les Arméniens, 8 mai 2014).

Une forme particulière d’œcuménisme spirituel est ce que le pape appelle « l’œcuménisme du sang ». Il se réfère, par cette définition, à la tragique réalité que nous présente le monde actuel où de très nombreux chrétiens sont victimes de persécutions massives et où les communautés chrétiennes sont devenues des Églises de martyrs. Aujourd’hui, les chrétiens sont persécutés parce qu’ils sont chrétiens. Le martyre est œcuménique. On peut parler d’un véritable œcuménisme des martyrs ou d’un œcuménisme du sang qui représente actuellement un grand défi, résumé par le pape François dans ces paroles poignantes : « Si l’ennemi nous unit dans la mort, qui sommes-nous pour nous diviser dans la vie ? » (Discours au mouvement du Renouveau dans l’Esprit, 3 juillet 2015).

 « L’engagement œcuménique répond avant tout à la prière du Seigneur Jésus lui-même et se base essentiellement sur la prière ». Et dans le monde qui est le nôtre, la prière reste le seul rempart, le seul bouclier, la seule certitude d’atteindre le cœur de Notre Seigneur Jésus et d’obtenir grâce à ses yeux. Certains d’entre vous ont peut-être vécu des moments difficiles cette semaine et/ou en connaîtront d’autres, la vie n’est pas un chemin de roses sans épines, mais il faut toujours offrir au Seigneur ses larmes et ses déceptions et les éventuelles humiliations subies. Lui seul peut vous venir en aide et vous permettre de pardonner…

Solange Strimon

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