Chretienté/christianophobie

Dignité, confiance et identité : les mots-clés du pape François à Strasbourg

Au cours de sa visite-éclair à Strasbourg, ce mardi 25 novembre, au Parlement européen et au Conseil de l’Europe, le pape François a laissé des messages d’une grande force aux représentants des 28 nations européennes, qui devraient leur donner de l’espérance et des encouragements pour les mois à venir et pour la nouvelle communication des actions réalisées au profit des Européens.

Si ceux-ci doutent de plus en plus de l’Europe, sans doute que celle-ci dérive de plus en plus du chemin qui devait être le sien avec le premier chapitre de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée en 2000. Celui-ci s’intitule « Dignité » et son article premier prévoit que « la dignité humaine est inviolable ». C’est sur ce socle qu’est fondée l’abolition de la peine de mort, condition pour adhérer à l’Union. L’Europe, une aïeule fatiguée, rejetée, doit reprendre des forces, rajeunir, pour être au service des plus faibles et prendre en charge les personnes fragilisées dans leur situation marginale et angoissante.

Le pape a souligné que « des difficultés actuelles peuvent devenir des promotrices puissantes d’unité pour vaincre toutes les peurs qui naissent et ne pas oublier que le Seigneur transforme le mal en bien et la mort en vie ». La trame de son discours s’est toujours articulée au cœur de la « dignité transcendantale » de la personne, et la promotion de cette dignité humaine contre les violences multiples. Il s’est élevé contre ces situations qui permettent que des êtres humains soient traités comme des objets, rejetés quand ils ne servent plus. Parmi les fléaux de notre société européenne, il a mentionné la solitude, celle des jeunes et celle des aînés.

Le mot « dignité » a été utilisé près de 17 fois pour bien souligner l’importance qu’il revêt tant au niveau de l’individu que des communautés sociales. En posant la question de la poursuite du grand idéal d’une Europe unie et en paix, créative et entreprenante, respectueuse des droits et conscientes de ses devoirs, le pape a recouru à une image. Une des fresques les plus célèbres de Raphaël qui se trouvent au Vatican représente la dite « École d’Athènes » avec au centre Platon et Aristote. Le premier a le doigt qui pointe vers le haut, le monde des idées, le ciel, le second tend la main en avant vers celui qui regarde vers la terre, la réalité concrète. Le ciel indique l’ouverture à la transcendance à Dieu et la terre représente sa capacité pratique et concrète à affronter les situations et les problèmes.

Il appartient aujourd’hui à l’Europe de redécouvrir cette « rencontre continuelle entre le ciel et la terre qui a depuis toujours caractérisé l’homme européen », sous peine de « perdre son âme », « son esprit humaniste » et les idéaux qui en découlent : paix, solidarité, respect et dignité de la personne… Le contraire de cette « ouverture au transcendant », explique le pape, c’est la « monade », un autre concept hérité des Grecs, qui désigne l’enfermement et l’insensibilité à l’autre.

L’avenir de l’Europe, une famille des peuples,  dépend de la redécouverte du lien vital et inséparable entre ces deux éléments. À propos de la contribution du christianisme en Europe et ailleurs, le pape a rappelé que cette contribution « n’est pas un danger pour la laïcité des états ni pour l’indépendance des institutions de l’union, mais un enrichissement ». Il a toujours été question de paix, de subsidiarité et de solidarité réciproque, un humanisme centré sur le respect de la dignité de la personne.

Bien entendu, le pape s’est attardé sur les persécutions subies par les chrétiens dans le monde : « c’est l’oubli de Dieu et non pas sa glorification qui engendre la violence » et il a rappelé que si la devise de l’union européenne est « Unité dans la diversité », il faut marcher ensemble dans une confiance réciproque.

L’éducation, à partir de la famille, cellule fondamentale et élément précieux de toute société, est toujours à privilégier, au même titre que les écoles et les universités. La protection de la nature, dont les hommes ne sont pas propriétaires, mais gardiens, le respect de l’environnement, une écologie environnementale et une autre humaine, les talents de la personne mis au service de la société, et tout ce qui entoure la dignité de la personne, concernent tous les États.

Le pape François a rappelé qu’il n’est pas acceptable que « la Mer Méditerranéenne devienne un grand cimetière » et qu’il était nécessaire d’agir sur les causes et non seulement sur les effets. La pression du fondamentalisme religieux et du terrorisme international ne pourront disparaître sans une réelle conscience de leurs dangers. L’Europe doit pouvoir proposer avec clarté sa propre identité culturelle et mettre en actes des législations adéquates protégeant les droits des citoyens européens et l’accueil des migrants. Des politiques justes, courageuses et concrètes, pour aider les pays d’origine dans un développement sociopolitique, sont donc à mettre en place.

Au cours de son discours au Parlement européen d’une heure (certainement autant au Conseil de l’Europe, mais nous n’y étions pas), le pape a été plusieurs fois applaudi très chaleureusement, réalisant cette extraordinaire performance de convaincre par des mots justes, une grande sincérité de cœur et l’expression d’une si profonde intelligence mise au service des hommes. Son allocution s’inscrit dans la continuité des discours de Jean-Paul II et de Benoit XVI. Elle devrait marquer les esprits et peut-être (pour une fois soyons optimistes) donner réellement envie aux Eurodéputés d’étudier autrement les conflits en leur apportant des solutions dignes pour tous, redonnant confiance et espérance. Le pape a également exprimé son espoir que les jeunes politiciens affronteront la réalité avec une perspective différente de leurs prédécesseurs. Il a conclu par ces mots : « l’heure est venue de construire ensemble une Europe qui tourne non pas autour de l’économie mais autour de la sacralité de la personne humaine et des valeurs inaliénables ». 

Nous espérons que l’estime accordée par le pape à l’Union européenne, avec ce voyage-éclair de 4 heures, donnera aux honorables Députés européens l’envie sincère de reconfigurer l’Europe dans la « dignité transcendantale» de la personne. Et ce d’autant plus que le pape François a renouvelé la disponibilité du Saint-Siège et de l’Église catholique à travers la Commission des Conférences Épiscopales Européennes (COMECE) pour entretenir un dialogue profitable, ouvert et transparent avec les institutions de l’Union Européenne. Sans doute faudra-t-il beaucoup de temps pour redonner de l’espérance sur cette Institution, mais de nouvelles fondations viennent d’être posées…

Solange Strimon

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